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21 janvier 2022

🖋 Autoportrait de travailleur social • Vincent-Sosthène Fouda-Essomba, chargé de mission à l’Espace de réflexion éthique des Hauts-de-France – CHU de Lille.

« Un assistant de service social chargé de mission ? C’est la question que beaucoup me posent quand ils voient ma signature »

Quel mot associez-vous spontanément au travail social ?

Co-construction avec celles et celles qui poussent la porte de mon bureau un projet d’accompagnement qui leur permette de se prendre en main, de ne plus avoir besoin de nos services. Un assistant de service social chargé de mission ? C’est la question que beaucoup me posent quand ils voient ma signature. Oui, appelé par un hôpital à apporter une vision sociale des sujets qui sont traités au quotidien à l’Espace éthique, aller à la rencontre de mes collègues en service déjà à l’hôpital qui est mon employeur principal mais aussi dans l’ensemble des structures hospitaliers de la région, pour discuter avec eux de leur implication dans la vie des patients qu’ils rencontrent, c’est mon domaine, c’est le domaine de la santé sociale qui fait partie intégrante de la définition que l’OMS donne de la santé à savoir : « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». Alors je m’attèle au quotidien à permettre à mes collègues à intégrer et à partager dans leur travail cette dimension de santé sociale auprès des patients mais surtout auprès de nos ainés.

Pour quelles raisons avez-vous choisi votre métier ?

Un changement d’orientation ? Un retour à une voix intérieure longtemps ignorée ou pas écoutée ? Les deux peut-être. Je viens d’une famille nombreuse où les ainés se sont toujours occupés des cadets. Dernier de cette nombreuse fratrie, j’ai donc plus observé et de cette observation, j’ai découvert la beauté de la gratuité du don de soi pour le bien-être des autres. Alors que j’étais enseignant d’université, un de mes collègues a eu une maladie neurodégénérative précoce qui l’a fait souffrir avant de l’emporter. En ce moment là j’ai dû m’arrêter pour me poser une des questions peut- être existentielle de la vie : est-ce que l’existence humaine rime à quelque chose ? Est-ce que ma vie a signifié jusque là quelque chose ? Y a-t-il une vie après la mort ? Quel type de réponse peut-on espérer ? Il est difficile de vous donner aujourd’hui les réponses qui furent les miennes à ce moment là, mais j’ai compris que ma réelle vocation est dans le social. Je voulais m’occuper des personnes en fin de vie pour les accompagner à traverser, simplement en étant là. Pour le faire, il me fallait une formation, alors j’ai commencé par l’épidémiologie et enfin par les études d’assistant de service social.

Quelles formations avez-vous suivies ?

J’ai eu mon baccalauréat très tôt, entre 15 et 17 ans, un baccalauréat A1 option lettres-mathématiques. Ce qui m’a ouvert les portes des classes préparatoires lettres hypokhâgne et khâgne avant d’intégrer l’École de Journalisme puis Sciences Po. J’ai donc couru après les diplômes sans trop bien savoir vers qui j’allais et pourquoi je le faisais. C’est après tout ceci et après une riche carrière comme enseignant que je suis allé faire mes études d’assistant de service social en reprenant tout à zéro pour être au même niveau que mes promotionnaires deux fois plus jeunes que moi. Ces trois années m’ont ouvert de manière professionnelle à l’accompagnement collectif et individuel. Ces deux types d’accompagnement nous forment à l’écoute, à l’effacement de soi, et surtout à la co-construction avec l’autre de son devenir, à son rythme et enfin tout ceci est adossé sur une connaissance exigeante des politiques sociales. L’Institut Social de Lille est mon Alma Mater.

Quel est votre meilleur souvenir professionnel ?

Toute ma profession est encore devant moi, j’ai fait de nombreux accompagnement avec des souvenirs inoubliables, pas par leur succès, mais tout simplement par et pour ce que nous avons pu construire ensemble. Je viens d’achever une étude qui va paraître bientôt dans une revue scientifique sur « les assistants de service social comme porteur de la santé sociale, pilier de la cinquième branche de la sécurité sociale ». J’ai rencontré environ deux cents professionnels du social et nous avons échangé sur cette notion. Au moment où l’on parle de l’Ehpad de demain, j’ai vu dans les yeux de mes collègues une ouverture vers d’autres perspectives qui les recentrent vers le cœur de l’activité sociale qui n’est pas la santé psychologique ou la santé physiologique. Alors oui, c’est quelque chose qui me fait chaud au cœur quand je ferme les yeux et que je vois l’avancée de la profession en milieu hospitalier et en Ehpad. Un jour, j’ai trouvé une solution à une situation qui traînait depuis des années, toute la famille est venue dire merci à toute l’équipe au bureau, la joie dans leurs yeux nous a fait pleurer.

Le pire ?

Mon cerveau à tendance à vite évacuer les moments d’incompréhension, des moments difficiles. Il est fort possible qu’ils en existent mais ils m’aident à bâtir les lendemains meilleurs. Je suis dans une profession et dans un service qui ne me permettent pas de rester sur ce que vous nommez le pire.

Quel est votre livre de chevet ?

J’ai lu il y a quelques années un livre de Xavier Bouchereau Au cœur des autres, journal d’un travailleur social (Accent aigu, Éditions Sciences humaines). Cet ouvrage est vieux de quelques années, mais vous savez ce qu’on dit du vin, il est meilleur en vieillissant. Il n’est jamais loin de ma somme des politiques sociales. Je ne sais pas s’il est mon livre de chevet car je fais un effort de ne pas avoir de papier dans ma chambre afin que celle-ci demeure un lieu de repos. Xavier Bouchereau (1) est donc dans mon sac je l’amène au bureau et je le ramène à la maison tous les jours, il m’aide à comprendre le travail que je fais et à l’apprécier chaque jour plus.
Enfin L’ Africain (Éd. Gallimard, 2004) de Jean-Marie Gustave Le Clézio qui est une quête des origines entre les images et les mots.

(1) À lire

Retrouvez les précédents autoportraits

🖋 Murielle A., éducatrice spécialisée en centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS)

🖋 Thierry Trontin, co-gérant de la SCOP Voyageurs-Éducateurs et d’un lieu de vie et d’accueil

🖋 Laurence, référente de parcours du Programme de réussite éducative

🖋 Romain Dutter, ex-coordinateur culturel au centre pénitentiaire de Fresnes

🖋 Yazid Kherfi, médiateur tout terrain

🖋 Claude, assistante de service social en polyvalence de secteur

🖋 Patrick Norynberg, formateur consultant en politique publique, cofondateur et président de la Régie de quartier du Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis)

🖋 Émilie Philippe, éducatrice de jeunes enfants, membre du collectif Pas de bébés à la consigne depuis sa création en 2009.

🖋 Florent Guéguen, directeur de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS)

🖋 Léa Turchi, assistante de service social, coordinatrice à la mission interface au Samusocial de Paris

🖋 Sadek Deghima, chef de service d’un club de prévention spécialisée

🖋 Lucile Bourgain, monitrice-éducatrice

🖋 Tristan Montaclair-Le Foulgoc, éducateur de jeunes enfants qui travaille avec des adolescents

🖋 Cristel Choffel, conseillère technique de service social

🖋 Driss Blal, éducateur spécialisé, chef de projet au cœur d’un dispositif mis en place par un collectif d’habitants originaires du quartier populaire où il a grandi Tarbes (Hautes-Pyrénées)

🖋 Laure, assistante de service social en service spécialisé « Familles »

🖋 Vince, l’éduc spécial, agitateur spécialisé, dessinateur, chroniqueur, auteur, et accessoirement chef de service éducatif...

🖋 Julie (1), 33 ans, cheffe de service dans une structure accompagnant des mineurs isolés étrangers

🖋 Carlos Lopez, éducateur à la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) depuis 1999

🖋 Charline Olivier, intervenante sociale en gendarmerie

🖋 Antonio Argüelles Balletbó, éducateur dans un centre résidentiel d’action éducative (1) des Filles de la Charité, Fondation sociale à Barcelone (Espagne)

🖋 Sylvie Kowalczuk assistante de service social en polyvalence, formatrice occasionnelle, auteur

🖋 Frédéric Maignan, formateur indépendant en travail social

🖋 Émilie Mocellin, éducatrice spécialisée indépendante

🖋 Vivien Laplane, éducateur spécialisé, auteur, conférencier, bloggeur, et accessoirement sourd appareillé oralisant

🖋 Sophie Gaillard, secrétaire médico-sociale dans deux services d’éducation et de soins spécialisés à domicile (Sessad) en région PACA

🖋 Jean-Marie Vauchez, éducateur spécialisé et formateur, membre du Haut conseil du travail social (HCTS)

🖋 Ingrid Romane, éducatrice en maison d’enfants à caractère social dans le var

🖋 Xavier Bouchereau, chef de service en protection de l’enfance et consultant indépendant

🖋 Stéphanie Liatard, travailleuse sociale au Québec, Canada

🖋 Jérôme Beaury, directeur-adjoint auprès de la Direction de l’enfance et de la famille du Calvados, en charge de l’Aide sociale à l’enfance et auteur

🖋 Romane Glotain, éducatrice spécialisée et présidente de l’association "Le Jardin des Maux’passants en Loire-Altantique. Elle promeut les jardins thérapeutiques.

🖋 Maximilien Bachelart, Docteur en psychologie et psychothérapeute, superviseur au sein d’établissements de protection de l’enfance.

🖋 Audrenne Henke, directrice d’établissement.

🖋 Kevin Louineau, éducateur spécialisé en maison d’enfants à caractère social en Loire-Atlantique

🖋 Vincent Pallard, éducateur spécialisé dans un service d’accompagnement éducatif à domicile intensif dans l’Indre-et-Loire, formateur occasionnel et auteur

🖋 Linda Bali, éducatrice spécialisée en protection de l’enfance, assistante familiale au sein de l’aide sociale à l’enfance.

Vous êtes tentés par l’exercice d’autoportrait de travailleur social ? Vous souhaitez partager votre expérience ? N’hésitez à nous contacter à l’adresse suivante : katia.rouff@lien-social.com