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🖋 Autoportrait de travailleur social ‱ JĂ©rĂŽme Beaury, directeur-adjoint auprĂšs de la Direction de l’enfance et de la famille du Calvados, en charge de l’Aide sociale Ă  l’enfance et auteur (1)

« Mon meilleur souvenir ? Avoir participĂ© Ă  la professionnalisation du mĂ©tier d’assistant maternel  »



Quel mot associez-vous spontanĂ©ment au travail social ?

Je ne peux pas rĂ©pondre Ă  cette question et laisser penser que le travail social se rĂ©sumerait Ă  un seul mot ! En voilĂ  quelques-uns : avenir, anticipation, difficile, transversalitĂ©, union, rassemblement, synergie, mutualisation, formation.


Pour quelles raisons avez-vous choisi votre mĂ©tier ?

De la mĂȘme façon qu’un enfant de mĂ©decins pourrait vouloir le devenir, j’ai voulu suivre les pas de mes Ă©ducateurs – j’ai Ă©tĂ© placĂ© durant de longues annĂ©es -, essayer de rendre Ă  mon tour tous les bienfaits de leur accompagnement, la monnaie de leur piĂšce peut ĂȘtre

La question de l’utilitĂ© m’est aussi trĂšs chĂšre : penser des actions qui touchent le plus grand nombre que ce soit dans l’immĂ©diatetĂ© ou Ă  plus long terme. On retrouve cette notion d’utilitĂ© « collective » tant dans des sphĂšres stratĂ©giques que dans les strates opĂ©rationnelles. Cela nĂ©cessite de l’altruisme et une comprĂ©hension globale des difficultĂ©s rencontrĂ©es.
La mutualisation des moyens et la question de l’efficience me paraissent Ă©galement primordiales pour parvenir Ă  l’égalitĂ© et Ă  l’équitĂ© dans la prise en charge des publics. Ce sont ces rĂ©flexions qui me guident et que j’ai le plaisir de partager avec ma direction ainsi qu’avec l’ensemble des agents.


Quelle formation avez-vous suivie ?

AprĂšs un premier temps professionnel dans le champ de la banque et de l’assurance durant dix annĂ©es, je me suis rĂ©orientĂ© Ă  travers les Ă©tudes suivantes : un DE de Conseiller en Ă©conomie sociale familiale (CESF), une maĂźtrise en Management du social et de la santĂ©, un DU en GĂ©rontologie sociale, un master en Management des organisations sociales.


Quel est votre meilleur souvenir professionnel ?

Avoir participĂ© Ă  la professionnalisation du mĂ©tier d’assistant maternel de 2008 Ă  2014, notamment en amenant les personnes qui l’exerçaient Ă  prĂ©parer, prĂ©senter et obtenir leur certificat d’aptitude professionnelle « Petite Enfance ». Face aux critiques « populaires » (par mĂ©connaissance du mĂ©tier sans doute) qui visaient leur manque de formation, je voulais contribuer Ă  changer les regards et Ă  rassurer les futurs parents employeurs. Il faut bien comprendre que seule l’obtention d’une partie de ce CAP Ă©tait obligatoire. Il fallait trouver des moyens de faire grandir le mĂ©tier et lui confĂ©rer le rayonnement qu’il mĂ©rite ! Ce travail trĂšs difficile manque de considĂ©ration et de reconnaissance.
À mon niveau, j’ai mis en avant la question de la formation, la nĂ©cessitĂ© de dĂ©velopper les compĂ©tences des professionnels afin d’inscrire cette Ă©volution dans les esprits comme autant de « garanties » (mĂȘme si les diplĂŽmes ne font pas toujours les compĂ©tences
) dans la prise en charge des jeunes enfants.
Je suis mĂȘme allĂ© jusqu’à m’inscrire en tant que jury dans des cessions de CAP afin d’observer et comprendre les attentes des examinateurs pour les retransmettre aux professionnels et optimiser ainsi leur prĂ©paration.
Ce qui m’a vĂ©ritablement animĂ© a Ă©tĂ© de prendre soin des adultes et de leurs relations pour servir indirectement la prise en charge des enfants.


Le pire ?

Lorsque je prĂ©parais de mon diplĂŽme d’État de CESF, j’ai rencontrĂ© une rĂ©fĂ©rente sur mon lieu de stage. J’avais cru bon de lui signifier que j’avais Ă©tĂ© placĂ© durant de longues annĂ©es. Sa rĂ©action a Ă©tĂ© vive et trĂšs agressive. À cette Ă©poque, je prenais cela comme une sorte de vĂ©ritĂ© qui me renvoyait Ă  un manque de lĂ©gitimitĂ©. J’étais surtout en manque d’assurance et ses paroles m’ont beaucoup blessĂ©. Au-delĂ  des mots, c’est toute une rĂ©flexion qui Ă©tait complĂštement chamboulĂ©e. LĂ  oĂč j’attendais de l’ouverture d’esprit, de la comprĂ©hension, voire de la sympathie (et j’observais lĂ  que bien des travailleurs sociaux en manquent), je voyais remises en question les raisons mĂȘmes qui me poussaient Ă  devenir travailleur social : le fait d’avoir Ă©tĂ© placĂ© constituait-il une entrave Ă  quelque rĂ©flexion que ce soit en matiĂšre de parcours professionnel ? Avais-je le droit de devenir travailleur social ? Je pense qu’il n’y a aucun dĂ©bat sur cette question ou alors il faut l’élargir Ă  l’ensemble des personnes qui n’ont pas Ă©tĂ© placĂ©es ! Ce « dĂ©terminisme » m’a semblĂ© un manque d’humanitĂ© et un profond irrespect de la libertĂ© de chacun.
Si on ne croit pas Ă  la possibilitĂ© d’évolution des individus, notre rĂ©flexion ne peut aller plus haut que la case dans laquelle on les place. Notre matiĂšre premiĂšre est donc l’adaptabilitĂ©.


Quel est votre livre de chevet ?

J’ai en permanence plusieurs lectures en cours : La Rencontre, une philosophie, de Charles PĂ©pin (Allary Ă©ditions, 2021) ; L’intelligence Ă©motionnelle : comment transformer ses Ă©motions en intelligence, de Daniel Goleman (Éd. Robert Laffont, 1997) ; RĂ©vĂ©ler la crĂ©ativitĂ© des Ă©quipes Ă©ducatives avec l’approche systĂ©mique, de Maximilien Bachelart (ESF Ă©diteur, 2021) ou encore Comme un pĂšre, de Xavier Vannier (Éd. Le livre et la plume, 2020).


(1) Le bal des aimants ou le parcours d’en enfant placĂ©, sous le nom de Pierre Duhamel, Éd. l’Harmattan, 2017.

Retrouvez les précédents autoportraits

🖋 Murielle A., Ă©ducatrice spĂ©cialisĂ©e en centre d’hĂ©bergement et de rĂ©insertion sociale (CHRS)

🖋 Thierry Trontin, co-gĂ©rant de la SCOP Voyageurs-Éducateurs et d’un lieu de vie et d’accueil

🖋 Laurence, rĂ©fĂ©rente de parcours du Programme de rĂ©ussite Ă©ducative

🖋 Romain Dutter, ex-coordinateur culturel au centre pĂ©nitentiaire de Fresnes

🖋 Yazid Kherfi, mĂ©diateur tout terrain

🖋 Claude, assistante de service social en polyvalence de secteur

🖋 Patrick Norynberg, formateur consultant en politique publique, cofondateur et prĂ©sident de la RĂ©gie de quartier du Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis)

🖋 Émilie Philippe, Ă©ducatrice de jeunes enfants, membre du collectif Pas de bĂ©bĂ©s Ă  la consigne depuis sa crĂ©ation en 2009.

🖋 Florent GuĂ©guen, directeur de la FĂ©dĂ©ration des acteurs de la solidaritĂ© (FAS)

🖋 LĂ©a Turchi, assistante de service social, coordinatrice Ă  la mission interface au Samusocial de Paris

🖋 Sadek Deghima, chef de service d’un club de prĂ©vention spĂ©cialisĂ©e

🖋 Lucile Bourgain, monitrice-Ă©ducatrice

🖋 Tristan Montaclair-Le Foulgoc, Ă©ducateur de jeunes enfants qui travaille avec des adolescents

🖋 Cristel Choffel, conseillĂšre technique de service social

🖋 Driss Blal, Ă©ducateur spĂ©cialisĂ©, chef de projet au cƓur d’un dispositif mis en place par un collectif d’habitants originaires du quartier populaire oĂč il a grandi Tarbes (Hautes-PyrĂ©nĂ©es)

🖋 Laure, assistante de service social en service spĂ©cialisĂ© « Familles »

🖋 Vince, l’éduc spĂ©cial, agitateur spĂ©cialisĂ©, dessinateur, chroniqueur, auteur, et accessoirement chef de service Ă©ducatif...

🖋 Julie (1), 33 ans, cheffe de service dans une structure accompagnant des mineurs isolĂ©s Ă©trangers

🖋 Carlos Lopez, Ă©ducateur Ă  la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) depuis 1999

🖋 Charline Olivier, intervenante sociale en gendarmerie

🖋 Antonio ArgĂŒelles BalletbĂł, Ă©ducateur dans un centre rĂ©sidentiel d’action Ă©ducative (1) des Filles de la CharitĂ©, Fondation sociale Ă  Barcelone (Espagne)

🖋 Sylvie Kowalczuk assistante de service social en polyvalence, formatrice occasionnelle, auteur

🖋 FrĂ©dĂ©ric Maignan, formateur indĂ©pendant en travail social

🖋 Émilie Mocellin, Ă©ducatrice spĂ©cialisĂ©e indĂ©pendante

🖋 Vivien Laplane, Ă©ducateur spĂ©cialisĂ©, auteur, confĂ©rencier, bloggeur, et accessoirement sourd appareillĂ© oralisant

🖋 Sophie Gaillard, secrĂ©taire mĂ©dico-sociale dans deux services d’éducation et de soins spĂ©cialisĂ©s Ă  domicile (Sessad) en rĂ©gion PACA

🖋 Jean-Marie Vauchez, Ă©ducateur spĂ©cialisĂ© et formateur, membre du Haut conseil du travail social (HCTS)

🖋 Ingrid Romane, Ă©ducatrice en maison d’enfants Ă  caractĂšre social dans le var

🖋 Xavier Bouchereau, chef de service en protection de l’enfance et consultant indĂ©pendant

🖋 StĂ©phanie Liatard, travailleuse sociale au QuĂ©bec, Canada


Vous ĂȘtes tentĂ©s par l’exercice d’autoportrait de travailleur social ? Vous souhaitez partager votre expĂ©rience ? N’hĂ©sitez Ă  nous contacter Ă  l’adresse suivante : katia.rouff@lien-social.com