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🖋 Autoportrait de travailleur social ‱ Émilie Mocellin, Ă©ducatrice spĂ©cialisĂ©e indĂ©pendante

«  Enfant, handicapĂ©e, je me suis toujours dit que ma profession consisterait Ă  aider les jeunes Ă  rester positifs, Ă  croquer, aimer la vie et surtout arrĂȘter de se lamenter au moindre obstacle ».



"Sur cette photo, je suis en accompagnement habiletĂ©s sociales avec une jeune en situation de handicap. Au programme : visite la ville, apprendre Ă  s’adresser aux gens, Ă  savoir donner son avis sur ce que l’on voit et ressent.  »

Quel mot associez-vous spontanĂ©ment au travail social ?

En un mot, c’est trop compliquĂ© mais je dirais tolĂ©rance, gĂ©nĂ©rositĂ©, passion, altruisme, Ă©coute
 La liste est longue


Pour quelles raisons avez-vous choisi votre mĂ©tier ?

J’y suis tombĂ©e dedans quand j’Ă©tais petite (rires).
Avec un handicap moteur dĂšs la naissance, mes cinq premiĂšres annĂ©es de vie ont Ă©tĂ© rythmĂ©es par des interventions chirurgicales, une multitude d’appareillages, des longs, trĂšs longs sĂ©jours d’hospitalisation, des brefs retours Ă  domicile. J’ai Ă©tĂ© aidĂ©e, accompagnĂ©e dignement. En rĂ©sumĂ©, c’Ă©tait une Ă©vidence. En tant qu’enfant « handicapĂ©e », j’ai grandi au milieu d’autres « handicapĂ©s » Ă  l’Institut Saint-Pierre Ă  Palavas-les-Flots dans l’HĂ©rault. Il n’existait pas de services diffĂ©renciĂ©s : hydrocĂ©phales, dĂ©ficients mentaux grands brĂ»lĂ©s, polyhandicapĂ©s
 nous Ă©tions des enfants avant tout et nous cohabitions sans aucun problĂšme. Pourtant, je n’ai pas souhaitĂ© travailler dans le champ du handicap. J’ai voulu aider les autres et d’abord les jeunes « lambda ». Ado, je m’insurgeais contre ceux qui se plaignaient d’une ampoule au pied ou se dĂ©courageaient face Ă  une infime contrariĂ©tĂ©. Je voulais secouer les ados et je me suis toujours dit que ma profession consisterait Ă  les aider Ă  rester positifs, Ă  croquer, aimer la vie et surtout arrĂȘter de se lamenter au moindre obstacle. Passer son temps Ă  ressasser les problĂšmes, plutĂŽt qu’Ă  regarder et apprĂ©cier ses petites victoires et les choses positives, jalouser les autres pour ce qu’ils ont, font ou rĂ©ussissent
 c’est perdre un temps fou. Au lieu de regarder ta vie, vis-lĂ  et tu seras heureux.
Aujourd’hui, c’est exactement ce que je fais mais avec beaucoup plus de professionnalisme. J’en suis satisfaite, Ă©panouie et heureuse.


Quelle formation avez-vous suivie ?

AprĂšs un bac pro j’ai passĂ© le certificat d’aptitude aux fonctions d’aide mĂ©dico- psychologique. AprĂšs avoir travaillĂ© en maison d’accueil spĂ©cialisĂ© (Mas), j’ai obtenu un poste d’animatrice en Ă©tablissement d’hĂ©bergement pour personnes ĂągĂ©es dĂ©pendantes (Ehpad). On m’a confiĂ© la rĂ©flexion et la mise en place de projets Ă  leur intention. J’ai pu me former, obtenir le diplĂŽme d’État de moniteur-Ă©ducateur, puis celui d’éducateur spĂ©cialisĂ©. J’ai aussi expĂ©rimentĂ© mon mĂ©tier en institut mĂ©dico-Ă©ducatif (Ime), dans un lieu de vie avec double habilitation : Aide sociale Ă  l’enfance (Ase) et Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ).


Quel est votre meilleur souvenir professionnel ?

Sans hĂ©siter, c’est mon quotidien. J’accompagne des enfants en situation de handicap (trouble du spectre autistique, Trisomie 21, dĂ©ficience intellectuelle lĂ©gĂšre), sans solution, en attente de place en institution, ou en rupture de parcours dans la gestion des troubles du comportement, l’autonomie, le renforcement des aptitudes et des compĂ©tences sociales, l’intĂ©gration scolaire, l’insertion professionnelle en milieu ordinaire ou adaptĂ©. J’accompagne Ă©galement des ados et leurs familles qui me sollicitent en cas de dĂ©crochage scolaire, de harcĂšlement scolaire ou de conflits familiaux. J’apporte un soutien Ă  la parentalitĂ©, je propose des outils pour renouer le dialogue entre parents /enfants.
Les retours sont excellents, mĂȘme s’ils sont parfois difficiles Ă  obtenir. Le plus long ? Arriver Ă  crĂ©er du lien, instaurer un climat de confiance, une fois cela obtenu
 gĂ©nĂ©ralement le travail peut dĂ©marrer.
Je suis Ă©ducatrice spĂ©cialisĂ©e indĂ©pendante, j’interviens au domicile des personnes, mais pas que
 Je suis Ă©galement guidante Ă  l’Institut rĂ©gional du travail social (Irts) de Perpignan (PyrĂ©nĂ©es-Orientales). J’ai accompagnĂ© les Ă©tudiants dans la rĂ©daction de leur dossier de stage (DC2) et prochainement j’interviendrai sur les dynamiques institutionnelle (DC4) et en Élaboration de l’expĂ©rience professionnelle (EEP). Ce mĂ©tier est intense, riche. Rien n’est plus formateur que de partager son savoir, ses compĂ©tences et se nourrir de l’expĂ©rience des autres. Je suis trĂšs honorĂ©e que l’on m’ait confiĂ© cette mission, que je prends trĂšs Ă  cƓur.


Le pire ?

Mon ancien boulot, mais je ne m’étendrai pas dessus. Quand la politique s’invite dans le travail social cela ne fait pas bon mĂ©nage. C’est un monde vĂ©reux qui donne la nausĂ©e. Ça fait des courbettes et des ronds de jambes pour mieux te poignarder ensuite. L’intĂ©rĂȘt personnel passe avant l’essence mĂȘme de notre mĂ©tier : la relation Ă  l’autre. Ça fait peine Ă  voir et ça en devient pathĂ©tique. Je le vois et le vis encore aujourd’hui en tant qu’Ă©duc indĂ©pendante. Un exemple : je suis contactĂ©e par une assistante de service social d’un dĂ©partement qui m’expose la situation Ă  caractĂšre urgent concernant un jeune. Je suis, selon elle « la derniĂšre solution ». Nous trouvons une entente, un accord. Je rencontre le jeune, la famille, tout le monde semble adhĂ©rer. Les personnes prĂ©sentes valident le projet. Alors que nous attendons l’accord des services supĂ©rieurs du DĂ©partement pour le financement de cet accompagnement, nous apprenons avec stupeur, dĂ©sarroi, colĂšre, peine
 le refus catĂ©gorique de ce projet. L’argument ? Le siĂšge de mon entreprise d’éducatrice indĂ©pendante n’est pas domiciliĂ© dans le dĂ©partement en question...


Quel est votre livre de chevet ?

Je n’en ai pas vraiment. Je lis beaucoup de mĂ©moires d’étudiants pour leur DiplĂŽme d’État d’éducateur spĂ©cialisĂ© (DEES), Certificat d’Aptitude aux fonctions d’encadrement et de responsable d’unitĂ© d’intervention sociale (CAFERUIS), Certificat d’aptitude aux fonctions de directeur d’Ă©tablissement ou de service d’intervention sociale (CAFDES)
 disponibles sur internet, c’est riche.
J’effectue aussi des recherches sur des sujets prĂ©cis mais je ne suis pas une grande lectrice. NĂ©anmoins j’ai lu Éloge de la faiblesse, d’Alexandre Jollien (Éd. Marabout, 1999) qui m’a beaucoup inspirĂ©e ; Paroles pour adolescents. Le complexe du homard de Françoise Dolto (Éd. Gallimard Jeunesse, 1999) ; Le transfert dans la relation Ă©ducative de Joseph Rouzel (Éd. Dunod, 2014).



Retrouvez les précédents autoportraits

🖋 Murielle A., Ă©ducatrice spĂ©cialisĂ©e en centre d’hĂ©bergement et de rĂ©insertion sociale (CHRS)

🖋 Thierry Trontin, co-gĂ©rant de la SCOP Voyageurs-Éducateurs et d’un lieu de vie et d’accueil

🖋 Laurence, rĂ©fĂ©rente de parcours du Programme de rĂ©ussite Ă©ducative

🖋 Romain Dutter, ex-coordinateur culturel au centre pĂ©nitentiaire de Fresnes

🖋 Yazid Kherfi, mĂ©diateur tout terrain

🖋 Claude, assistante de service social en polyvalence de secteur

🖋 Patrick Norynberg, formateur consultant en politique publique, cofondateur et prĂ©sident de la RĂ©gie de quartier du Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis)

🖋 Émilie Philippe, Ă©ducatrice de jeunes enfants, membre du collectif Pas de bĂ©bĂ©s Ă  la consigne depuis sa crĂ©ation en 2009.

🖋 Florent GuĂ©guen, directeur de la FĂ©dĂ©ration des acteurs de la solidaritĂ© (FAS)

🖋 LĂ©a Turchi, assistante de service social, coordinatrice Ă  la mission interface au Samusocial de Paris

🖋 Sadek Deghima, chef de service d’un club de prĂ©vention spĂ©cialisĂ©e

🖋 Lucile Bourgain, monitrice-Ă©ducatrice

🖋 Tristan Montaclair-Le Foulgoc, Ă©ducateur de jeunes enfants qui travaille avec des adolescents

🖋 Cristel Choffel, conseillĂšre technique de service social

🖋 Driss Blal, Ă©ducateur spĂ©cialisĂ©, chef de projet au cƓur d’un dispositif mis en place par un collectif d’habitants originaires du quartier populaire oĂč il a grandi Tarbes (Hautes-PyrĂ©nĂ©es)

🖋 Laure, assistante de service social en service spĂ©cialisĂ© « Familles »

🖋 Vince, l’éduc spĂ©cial, agitateur spĂ©cialisĂ©, dessinateur, chroniqueur, auteur, et accessoirement chef de service Ă©ducatif...

🖋 Julie (1), 33 ans, cheffe de service dans une structure accompagnant des mineurs isolĂ©s Ă©trangers

🖋 Carlos Lopez, Ă©ducateur Ă  la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) depuis 1999

🖋 Charline Olivier, intervenante sociale en gendarmerie

🖋 Antonio ArgĂŒelles BalletbĂł, Ă©ducateur dans un centre rĂ©sidentiel d’action Ă©ducative (1) des Filles de la CharitĂ©, Fondation sociale Ă  Barcelone (Espagne)

🖋 Sylvie Kowalczuk assistante de service social en polyvalence, formatrice occasionnelle, auteur

🖋 FrĂ©dĂ©ric Maignan, formateur indĂ©pendant en travail social


Vous ĂȘtes tentĂ©s par l’exercice d’autoportrait de travailleur social ? Vous souhaitez partager votre expĂ©rience ? N’hĂ©sitez Ă  nous contacter Ă  l’adresse suivante : katia.rouff@lien-social.com