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5 novembre 2021

🖋 Autoportrait de travailleur social • Xavier Bouchereau, chef de service en protection de l’enfance et consultant indépendant.

« Le travail social vise fondamentalement à l’émancipation des personnes, quitte à bousculer ce que nous pensons savoir sur notre métier »

Quel mot associez-vous spontanément au travail social ?

L’« Émancipation », parce qu’elle devrait animer toute action sociale auprès des populations les plus fragiles (ou les plus fragilisées), ces populations oubliées que la société préfère souvent ne pas entendre. L’émancipation c’est sortir de l’oubli, c’est oser une parole propre, ne plus subir, ne plus être réduit à celle ou à celui qui demande de l’aide. Le travail social vise fondamentalement cette émancipation des personnes, quitte à bousculer ce que nous pensons savoir sur notre métier. Il est impossible de penser notre travail sans les principaux intéressés, et sans identifier avec eux ce qui les entrave.

Pour quelles raisons avez-vous choisi votre métier ?

Je dois bien l’admettre, j’ai découvert le travail social un peu par hasard, au gré des rencontres, à un moment de ma vie où, comme de nombreux jeunes, je me cherchais un peu, mais j’y suis resté par conviction, parce qu’il me permettait de donner du sens à ma vie professionnelle, en mettant mes engagements à l’épreuve d’un métier.

Quelle formation avez-vous suivie ?

J’ai commencé par des études scientifiques, une licence de biologie, puis le diplôme d’éducateur spécialisé après un service civil auprès de personnes en situation de handicap, formation que j’ai ensuite complétée en cours d’emploi par un master I en psychologie par goût pour la clinique, un DU en gestion comptable et financière et enfin un master II en gestion des ressources humaines, par désir de mieux comprendre la complexité des dynamiques organisationnelles.

Quel est votre meilleur souvenir professionnel ?

Je garde beaucoup de beaux souvenirs, de magnifiques rencontres, c’est indubitablement la richesse de ce métier, et c’est pourquoi il me passionne toujours autant. Mais si je devais n’en retenir qu’un, je dirais mes débuts en milieu ouvert dans une équipe de professionnels aussi enthousiastes que compétents. Ils m’ont beaucoup appris, professionnellement et personnellement. Nous avons beaucoup partagé, beaucoup ri aussi, une ambiance de travail grâce à laquelle je me levais le matin avec plaisir, et qui nous permettait collectivement de supporter des situations parfois aussi complexes que dramatiques, comme la protection de l’enfance peut en rencontrer. Je ne crois pas qu’il soit envisageable d’appréhender ce travail seul, privé du soutien d’une équipe.

Le pire ?

Le pire je le garde pour moi, ces moments laissent des traces, nécessairement, mais ils vous apprennent aussi beaucoup sur vous-même.
Le moment, non pas le pire, mais le plus difficile que j’ai eu l’occasion de traverser fut certainement le placement d’un nourrisson que j’ai dû réaliser accompagné de la Brigade de protection des mineurs. J’étais jeune, je débutais dans mes fonctions d’éducateur en milieu ouvert et j’en fus profondément bouleversé. J’en parle encore avec beaucoup d’émotion, même si cette décision était légitime et que nous avons probablement mis hors de danger cet enfant et évité le pire à ses parents. Mais rien ne prépare à de telles situations, et pourtant elles font partie du métier, la protection de l’enfance est aussi faite de ces moments. Ça vous prend aux tripes, ça bouscule vos certitudes, malmène vos compétences. Avec le temps, avec l’expérience aussi, on apprend à y faire face, mais je crois qu’on ne peut pas, qu’on ne doit pas s’habituer, l’empathie reste une condition sine qua non de notre action.

Quel est votre livre de chevet ?

L’ordre du discours, de Michel Foucault (Éd. Gallimard, 1971), parce que la poésie de la langue sert une analyse philosophique qui m’éclaire encore aujourd’hui sur les paradoxes du social, sur ses rapports de pouvoir, ses parts obscures. Magnifique.

*Xavier Bouchereau est l’auteur de La posture éducative, Éd. Érès, 2016.

Retrouvez les précédents autoportraits

🖋 Murielle A., éducatrice spécialisée en centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS)

🖋 Thierry Trontin, co-gérant de la SCOP Voyageurs-Éducateurs et d’un lieu de vie et d’accueil

🖋 Laurence, référente de parcours du Programme de réussite éducative

🖋 Romain Dutter, ex-coordinateur culturel au centre pénitentiaire de Fresnes

🖋 Yazid Kherfi, médiateur tout terrain

🖋 Claude, assistante de service social en polyvalence de secteur

🖋 Patrick Norynberg, formateur consultant en politique publique, cofondateur et président de la Régie de quartier du Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis)

🖋 Émilie Philippe, éducatrice de jeunes enfants, membre du collectif Pas de bébés à la consigne depuis sa création en 2009.

🖋 Florent Guéguen, directeur de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS)

🖋 Léa Turchi, assistante de service social, coordinatrice à la mission interface au Samusocial de Paris

🖋 Sadek Deghima, chef de service d’un club de prévention spécialisée

🖋 Lucile Bourgain, monitrice-éducatrice

🖋 Tristan Montaclair-Le Foulgoc, éducateur de jeunes enfants qui travaille avec des adolescents

🖋 Cristel Choffel, conseillère technique de service social

🖋 Driss Blal, éducateur spécialisé, chef de projet au cœur d’un dispositif mis en place par un collectif d’habitants originaires du quartier populaire où il a grandi Tarbes (Hautes-Pyrénées)

🖋 Laure, assistante de service social en service spécialisé « Familles »

🖋 Vince, l’éduc spécial, agitateur spécialisé, dessinateur, chroniqueur, auteur, et accessoirement chef de service éducatif...

🖋 Julie (1), 33 ans, cheffe de service dans une structure accompagnant des mineurs isolés étrangers

🖋 Carlos Lopez, éducateur à la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) depuis 1999

🖋 Charline Olivier, intervenante sociale en gendarmerie

🖋 Antonio Argüelles Balletbó, éducateur dans un centre résidentiel d’action éducative (1) des Filles de la Charité, Fondation sociale à Barcelone (Espagne)

🖋 Sylvie Kowalczuk assistante de service social en polyvalence, formatrice occasionnelle, auteur

🖋 Frédéric Maignan, formateur indépendant en travail social

🖋 Émilie Mocellin, éducatrice spécialisée indépendante

🖋 Vivien Laplane, éducateur spécialisé, auteur, conférencier, bloggeur, et accessoirement sourd appareillé oralisant

🖋 Sophie Gaillard, secrétaire médico-sociale dans deux services d’éducation et de soins spécialisés à domicile (Sessad) en région PACA

🖋 Jean-Marie Vauchez, éducateur spécialisé et formateur, membre du Haut conseil du travail social (HCTS)

🖋 Ingrid Romane, éducatrice en maison d’enfants à caractère social dans le var

Vous êtes tentés par l’exercice d’autoportrait de travailleur social ? Vous souhaitez partager votre expérience ? N’hésitez à nous contacter à l’adresse suivante : katia.rouff@lien-social.com