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3 décembre 2021

🖋 Autoportrait de travailleur social • Maximilien Bachelart, Docteur en psychologie et psychothérapeute, superviseur au sein d’établissements de protection de l’enfance.

« Je crois que je suis passionné par les constructions que les gens montent dans leur tête, les arrangements avec la réalité, la façon dont on peut être finalement son propre ennemi. »

Quel mot associez-vous spontanément au travail social ?

« Deuxième chance », peut-être de manière idéale, je me dis que c’est le moment de la saisir après un parcours défavorable sur le plan social, sociétal, éducatif, financier… Il s’agit d’une opportunité, d’un essai à transformer. C’est donc le moment de se montrer créatif et certainement pas celui de refaire faire le cheminement classique à des familles qui, par définition, n’ont pas réussi les recettes habituelles.

Pour quelles raisons avez-vous choisi votre métier ?

Une systémicienne belge disait lors d’une interview que j’avais menée, que les psys ou les thérapeutes faisaient ce métier parce qu’ils avaient échoué à guérir leurs parents !
Je crois que je suis passionné par les constructions que les gens montent dans leur tête, les arrangements avec la réalité, la façon dont on peut être finalement son propre ennemi. Se mentir à soi-même, être têtu jusqu’à se perdre, constituent des éléments humains intemporels qui m’intriguent, je dois avoir une curiosité pour la nature humaine.
C’est intéressant pour moi de savoir que la clef se situe à l’intérieur des gens même s’ils pensent le contraire.

Quelle formation avez-vous suivie ?

J’ai traversé quatre universités jusqu’au doctorat. Ça n’était pas prévu comme cela mais c’était très riche puisque j’ai pu adopter différents points de vue, notamment au Canada. Je me suis formé à la thérapie cognitive et comportementale, à l’hypnose, à la systémie, puis j’ai suivi quelques petites formations çà et là sur des techniques de thérapie, sur la négociation de crise également.

Quel est votre meilleur souvenir professionnel ?

J’en ai plusieurs, les plus intéressants sont ceux relatifs à des expériences de supervision d’équipe. Demander à découvrir l’histoire d’un jeune, voir l’équipe au fond de l’impasse, puis lui poser une, deux puis trois questions. Plus vous l’interrogez, plus elle réalise qu’elle a suivi une route parmi les dizaines possibles.
Puis les émotions ressortent et, en proposant des idées ou une autre vision de la situation, notamment en se mettant à la place des différents membres de la famille, les émotions premières redescendent et l’envie de redécouvrir cette famille prennent place chez l’équipe. Je me souviens d’un éducateur très en colère contre un jeune : il avait intégré le discours de la mère sans rien connaître de l’histoire familiale en dehors du discours fermé qui rendait le problème insoluble. Il n’était pas content que je le bouscule ; puis à la supervision suivante, il était fier d’avoir pu éclaircir ce marasme incompréhensible. Il avait des questions pour la famille qui se mettait enfin en mouvement, plutôt que d’échouer à donner des réponses à la mère… il a fait travailler le système plutôt que de s’épuiser en vain.
Les moments les plus magiques pour moi sont lorsqu’une équipe se focalise sur des symptômes violents et incontrôlables (fugues, scarifications, conduites à risque), démissionne et se sent incompétente, puis se met à réfléchir et travailler son fonctionnement (sa façon de penser, de réagir, ses rituels) et observe avec étonnement que tous Les symptômes qui paraissaient insurmontables disparaissent : quand le groupe sert la cause individuelle plutôt que d’être une machine.

Le pire ?

Je ne préfère ne pas donner de pire souvenir, c’est finalement assez sordide. Disons qu’en tout cas, pour moi, les pires surviennent quand tout un système cautionne et valide l’inverse de ce qu’il est censé effectuer comme mission de service public et reporte la responsabilité sur le jeune… Quand objectivement, le travail n’a pas été fait et que subjectivement l’affaire semble trop personnelle, j’imagine toujours un journaliste ou un auditeur extérieur qui serait atterré.
On ne peut pas demander aux gens de transcender leurs conditions de vie, chambouler leurs habitudes et avoir l’espoir de dessiner une nouvelle trajectoire si les professionnels ne sont pas capables de faire la moitié de cela. Les sorties sèches d’un jeune à l’aide sociale à l’enfance (ASE) depuis 15 ans, me rendent dingue, surtout quand personne ne se sent responsable…

Quels sont vos livres de chevet ?

Révéler la créativité des équipes éducatives avec l’approche systémique de Maximilien Bachelart ! (Éd. ESF Sciences humaines, 2021).
Mais surtout deux ouvrages qui m’ont inspiré, très clairs et accessibles : La compétence des familles (Éd. Érès, 1995) de Guy Ausloos et Familles en structure d’accueil de Dominique Mérigot (Éd. L’Harmattan, 1999), deux personnages adorables que j’ai eu la chance de rencontrer sur leurs terres !

Retrouvez les précédents autoportraits

🖋 Murielle A., éducatrice spécialisée en centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS)

🖋 Thierry Trontin, co-gérant de la SCOP Voyageurs-Éducateurs et d’un lieu de vie et d’accueil

🖋 Laurence, référente de parcours du Programme de réussite éducative

🖋 Romain Dutter, ex-coordinateur culturel au centre pénitentiaire de Fresnes

🖋 Yazid Kherfi, médiateur tout terrain

🖋 Claude, assistante de service social en polyvalence de secteur

🖋 Patrick Norynberg, formateur consultant en politique publique, cofondateur et président de la Régie de quartier du Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis)

🖋 Émilie Philippe, éducatrice de jeunes enfants, membre du collectif Pas de bébés à la consigne depuis sa création en 2009.

🖋 Florent Guéguen, directeur de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS)

🖋 Léa Turchi, assistante de service social, coordinatrice à la mission interface au Samusocial de Paris

🖋 Sadek Deghima, chef de service d’un club de prévention spécialisée

🖋 Lucile Bourgain, monitrice-éducatrice

🖋 Tristan Montaclair-Le Foulgoc, éducateur de jeunes enfants qui travaille avec des adolescents

🖋 Cristel Choffel, conseillère technique de service social

🖋 Driss Blal, éducateur spécialisé, chef de projet au cœur d’un dispositif mis en place par un collectif d’habitants originaires du quartier populaire où il a grandi Tarbes (Hautes-Pyrénées)

🖋 Laure, assistante de service social en service spécialisé « Familles »

🖋 Vince, l’éduc spécial, agitateur spécialisé, dessinateur, chroniqueur, auteur, et accessoirement chef de service éducatif...

🖋 Julie (1), 33 ans, cheffe de service dans une structure accompagnant des mineurs isolés étrangers

🖋 Carlos Lopez, éducateur à la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) depuis 1999

🖋 Charline Olivier, intervenante sociale en gendarmerie

🖋 Antonio Argüelles Balletbó, éducateur dans un centre résidentiel d’action éducative (1) des Filles de la Charité, Fondation sociale à Barcelone (Espagne)

🖋 Sylvie Kowalczuk assistante de service social en polyvalence, formatrice occasionnelle, auteur

🖋 Frédéric Maignan, formateur indépendant en travail social

🖋 Émilie Mocellin, éducatrice spécialisée indépendante

🖋 Vivien Laplane, éducateur spécialisé, auteur, conférencier, bloggeur, et accessoirement sourd appareillé oralisant

🖋 Sophie Gaillard, secrétaire médico-sociale dans deux services d’éducation et de soins spécialisés à domicile (Sessad) en région PACA

🖋 Jean-Marie Vauchez, éducateur spécialisé et formateur, membre du Haut conseil du travail social (HCTS)

🖋 Ingrid Romane, éducatrice en maison d’enfants à caractère social dans le var

🖋 Xavier Bouchereau, chef de service en protection de l’enfance et consultant indépendant

🖋 Stéphanie Liatard, travailleuse sociale au Québec, Canada

🖋 Jérôme Beaury, directeur-adjoint auprès de la Direction de l’enfance et de la famille du Calvados, en charge de l’Aide sociale à l’enfance et auteur

🖋 Romane Glotain, éducatrice spécialisée et présidente de l’association "Le Jardin des Maux’passants en Loire-Altantique. Elle promeut les jardins thérapeutiques.

Vous êtes tentés par l’exercice d’autoportrait de travailleur social ? Vous souhaitez partager votre expérience ? N’hésitez à nous contacter à l’adresse suivante : katia.rouff@lien-social.com