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🖋 Autoportrait de travailleur social ‱ Sophie, assistante de service social dans un centre de rĂ©Ă©ducation fonctionnelle en pĂ©diatrie dans la Sarthe

« Nous sommes au plus prĂšs de chaque petit pas effectuĂ©, de chaque petite victoire, de chaque petit rire. »



Quel mot associez-vous spontanĂ©ment au travail social ?

Le premier mot qui me vient en tĂȘte est celui de la relation : sans relation il n’y a point de travail social. La relation, c’est l’essence mĂȘme de notre profession, le cƓur de notre mĂ©tier. Je dirais aussi « au plus prĂšs » : au plus prĂšs de la souffrance, au plus prĂšs de la violence, au plus prĂšs des doutes, des peurs et des pleurs. Nous sommes au plus prĂšs de chaque petit pas effectuĂ©, de chaque petite victoire, de chaque petit rire. Nous sommes donc aussi au plus prĂšs des joies et des rĂ©ussites. C’est ĂȘtre au plus prĂšs, jamais bien loin, c’est ĂȘtre un soutien, une bĂ©quille, une passerelle.


Pour quelles raisons avez-vous choisi votre mĂ©tier ?

Je veux ĂȘtre assistante de service social depuis ma sixiĂšme. Pour moi, cela n’est pas seulement une profession, les valeurs inhĂ©rentes Ă  celle-ci se traduisent aussi dans ma vie personnelle. Depuis le dĂ©but, j’ai souhaitĂ© orienter mon parcours dans le domaine de l’enfance, l’adolescence, le soutien Ă  la parentalité  Tel un vĂ©ritable sacerdoce, j’avais envie et j’ai toujours l’envie de contribuer Ă  tisser chaque jour un lien social, premier parpaing Ă  notre humanitĂ©. Mon engagement pour cette profession Ă  laquelle je crois profondĂ©ment, est toujours intact bien qu’ayant eu du plomb dans l’aile.


Quelles formations avez-vous suivies ?

J’ai d’abord fait un BTS Économie sociale et familiale, puis j’ai obtenu le DiplĂŽme d’État d’assistant de service social que j’ai passĂ© Ă  l’IRTS de Rennes (Askoria).
J’ai exercĂ© en protection de l’enfance puis j’ai senti le besoin de prendre du recul sur ce que j’observais professionnellement : donc j’ai passĂ© une licence de sociologie qui m’a permis de rĂ©flĂ©chir, analyser, dĂ©cortiquer davantage ma rĂ©alitĂ© de terrain.
Actuellement, je suis en formation de praticienne en psychopĂ©dagogie positive afin d’ajouter une corde Ă  mon arc et pouvoir concrĂštement proposer des outils aux parents, aux enfants, aux Institutions.


Quel est votre meilleur souvenir professionnel ?

J’en ai tellement que je ne peux me rĂ©soudre Ă  choisir. Je crois que cela va faire naĂŻf mais chaque rencontre d’enfants, de familles a Ă©tĂ©/est une leçon de vie. En effet, chaque lien tissĂ© dans la rencontre m’a apportĂ© quelque chose et fait que ma pratique professionnelle s’est ajustĂ©e au fur et Ă  mesure. Ce lien qui se crĂ©e et se fonde dans le respect, dans la confiance
 Ce lien qui permet au professionnel de se mettre Ă  la place de. Ce lien qui se veut authentique, ce lien qui vous bouleverse et vous Ă©branle.
MarquĂ©e par les parcours de vie que j’ai rencontrĂ©, mon identitĂ© professionnelle s’est forgĂ©e au fur et Ă  mesure et je n’exerce plus de la mĂȘme maniĂšre aujourd’hui. De leurs morceaux de vie, de leurs maux, de leurs blessures, de leurs rĂ©ussites, j’ai appris, j’ai grandi aussi et pour cela je les remercie.


Le pire ?

J’ai deux « pires » souvenirs qui m’ont marquĂ© et ont laissĂ© une empreinte sur la professionnelle que je suis. Le premier est la derniĂšre annĂ©e au cours de laquelle j’ai travaillĂ© au sein de la maison d’enfants Ă  caractĂšre social (MECS) : je suis allĂ©e au travail la boule au ventre pendant des mois et des mois, une boule remplie Ă  la fois de crainte de ce que j’allais trouver en franchissant la porte de l’Institution et Ă  la fois une boule remplie de culpabilitĂ©, parce que j’avais l’impression de cautionner ce qui s’y passait. Je suis rentrĂ©e chez moi maintes et maintes fois en pleurs de voir mes valeurs piĂ©tinĂ©es et ĂȘtre tellement parasitĂ©e de ne plus ĂȘtre disponible pour mon foyer.
La maltraitance ne venait pas des enfants accueillis ni de leurs familles, elle venait de l’institution. Elle venait de ce non-sens dans les accompagnements, de l’absence de bienveillance qui en dĂ©coulait. Notre libertĂ© toujours cadrĂ©e de pouvoir s’adapter, de faire du cousu main pour chaque enfant : chaque famille a Ă©tĂ© mise au pilori pour faire place Ă  « un joli gloubi-boulga ». Je ne peux mĂȘme pas nommer ce que c’était, tellement cela n’avait pas de sens, n’avait pas de valeur. Cependant cela avait l’odeur de la souffrance au travail pour de nombreux salariĂ©s et malheureusement, pour les personnes accueillies, cela avait le goĂ»t amer de la domination, de l’incompĂ©tence et 
 de la peur.
L’Institution dans laquelle j’avais « grandi professionnellement » Ă©tait en train d’ĂȘtre torpillĂ©e ! Nous avons eu de cesse d’alerter plus haut, on a eu face Ă  nous l’immobilisme ! J’ai Ă©tĂ© touchĂ©e dans mes valeurs, dans ma pratique professionnelle. Est-ce que c’était moi qui dĂ©connais et qui me trompais ? Est-ce que je n’avais plus assez de recul ?
J’ai Ă©tĂ© sidĂ©rĂ©e par ce sentiment d’impuissance et j’ai fait le choix, non sans culpabilitĂ©, de partir. J’ai retrouvĂ© un environnement bienveillant, respectueux et Ă  l’écoute. De cette expĂ©rience, je ne sors pas indemne loin de lĂ , mais cela n’a fait que renforcer le fait de vouloir rester droite et de me battre encore et toujours pour les personnes que j’accompagne.
Mon deuxiĂšme pire souvenir, c’est quand j’ai dĂ» passer de l’autre cĂŽté  Quand moi-mĂȘme, j’ai dĂ» faire face Ă  des institutions avec lesquelles je travaillais et cette fois-ci en tant que maman. Je suis maman d’un enfant neuroatypique (en gros, il a des super-pouvoir) et j’ai dĂ» me heurter Ă  des aberrations de la part des administrations, Ă  devoir quĂ©mander l’ouverture de ses droits. Je suis devenue le pire cauchemar de mes collĂšgues. Je comprends mieux la colĂšre dĂ©bordante, parfois, des personnes que j’accompagne qui se battent contre des inepties. J’en ai marre de devoir refaire le mĂȘme dossier pour prouver le handicap de mon enfant, non cela ne se guĂ©rit pas ! Marre de voir son enfant, sa situation traitĂ©e comme un vulgaire numĂ©ro de dossier. Marre d’entendre que le « fameux dossier » est en cours de traitement et qu’excusez-nous, Madame, mais on a du retard ! Alors ĂȘtre passĂ©e de l’autre cĂŽtĂ©, m’a fait prendre conscience de certaines choses et m’aide Ă  comprendre davantage toute cette souffrance et les Ă©motions qui en dĂ©coulent.


Quel est votre livre de chevet ?

Un livre qui m’a marquĂ© est Au cƓur des autres, de Xavier Bouchereau (Éd. Sciences Humaines, 2013).
Il est toujours bon d’aller faire dĂ©couvrir nos professions et d’aller au-delĂ  des prĂ©jugĂ©s et reprĂ©sentations sur le travail social. J’ai dans un petit coin de ma tĂȘte le souhait d’écrire un livre Ă  ce sujet d’ailleurs !


À lire : portrait de Xavier Bouchereau

Retrouvez les précédents autoportraits

🖋 Murielle A., Ă©ducatrice spĂ©cialisĂ©e en centre d’hĂ©bergement et de rĂ©insertion sociale (CHRS)

🖋 Thierry Trontin, co-gĂ©rant de la SCOP Voyageurs-Éducateurs et d’un lieu de vie et d’accueil

🖋 Laurence, rĂ©fĂ©rente de parcours du Programme de rĂ©ussite Ă©ducative

🖋 Romain Dutter, ex-coordinateur culturel au centre pĂ©nitentiaire de Fresnes

🖋 Yazid Kherfi, mĂ©diateur tout terrain

🖋 Claude, assistante de service social en polyvalence de secteur

🖋 Patrick Norynberg, formateur consultant en politique publique, cofondateur et prĂ©sident de la RĂ©gie de quartier du Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis)

🖋 Émilie Philippe, Ă©ducatrice de jeunes enfants, membre du collectif Pas de bĂ©bĂ©s Ă  la consigne depuis sa crĂ©ation en 2009.

🖋 Florent GuĂ©guen, directeur de la FĂ©dĂ©ration des acteurs de la solidaritĂ© (FAS)

🖋 LĂ©a Turchi, assistante de service social, coordinatrice Ă  la mission interface au Samusocial de Paris

🖋 Sadek Deghima, chef de service d’un club de prĂ©vention spĂ©cialisĂ©e

🖋 Lucile Bourgain, monitrice-Ă©ducatrice

🖋 Tristan Montaclair-Le Foulgoc, Ă©ducateur de jeunes enfants qui travaille avec des adolescents

🖋 Cristel Choffel, conseillĂšre technique de service social

🖋 Driss Blal, Ă©ducateur spĂ©cialisĂ©, chef de projet au cƓur d’un dispositif mis en place par un collectif d’habitants originaires du quartier populaire oĂč il a grandi Tarbes (Hautes-PyrĂ©nĂ©es)

🖋 Laure, assistante de service social en service spĂ©cialisĂ© « Familles »

🖋 Vince, l’éduc spĂ©cial, agitateur spĂ©cialisĂ©, dessinateur, chroniqueur, auteur, et accessoirement chef de service Ă©ducatif...

🖋 Julie (1), 33 ans, cheffe de service dans une structure accompagnant des mineurs isolĂ©s Ă©trangers

🖋 Carlos Lopez, Ă©ducateur Ă  la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) depuis 1999

🖋 Charline Olivier, intervenante sociale en gendarmerie

🖋 Antonio ArgĂŒelles BalletbĂł, Ă©ducateur dans un centre rĂ©sidentiel d’action Ă©ducative (1) des Filles de la CharitĂ©, Fondation sociale Ă  Barcelone (Espagne)

🖋 Sylvie Kowalczuk assistante de service social en polyvalence, formatrice occasionnelle, auteur

🖋 FrĂ©dĂ©ric Maignan, formateur indĂ©pendant en travail social

🖋 Émilie Mocellin, Ă©ducatrice spĂ©cialisĂ©e indĂ©pendante

🖋 Vivien Laplane, Ă©ducateur spĂ©cialisĂ©, auteur, confĂ©rencier, bloggeur, et accessoirement sourd appareillĂ© oralisant

🖋 Sophie Gaillard, secrĂ©taire mĂ©dico-sociale dans deux services d’éducation et de soins spĂ©cialisĂ©s Ă  domicile (Sessad) en rĂ©gion PACA

🖋 Jean-Marie Vauchez, Ă©ducateur spĂ©cialisĂ© et formateur, membre du Haut conseil du travail social (HCTS)

🖋 Ingrid Romane, Ă©ducatrice en maison d’enfants Ă  caractĂšre social dans le var

🖋 Xavier Bouchereau, chef de service en protection de l’enfance et consultant indĂ©pendant

🖋 StĂ©phanie Liatard, travailleuse sociale au QuĂ©bec, Canada

🖋 JĂ©rĂŽme Beaury, directeur-adjoint auprĂšs de la Direction de l’enfance et de la famille du Calvados, en charge de l’Aide sociale Ă  l’enfance et auteur

🖋 Romane Glotain, Ă©ducatrice spĂ©cialisĂ©e et prĂ©sidente de l’association "Le Jardin des Maux’passants en Loire-Altantique. Elle promeut les jardins thĂ©rapeutiques.

🖋 Maximilien Bachelart, Docteur en psychologie et psychothĂ©rapeute, superviseur au sein d’établissements de protection de l’enfance.

🖋 Audrenne Henke, directrice d’établissement.

🖋 Kevin Louineau, Ă©ducateur spĂ©cialisĂ© en maison d’enfants Ă  caractĂšre social en Loire-Atlantique

🖋 Vincent Pallard, Ă©ducateur spĂ©cialisĂ© dans un service d’accompagnement Ă©ducatif Ă  domicile intensif dans l’Indre-et-Loire, formateur occasionnel et auteur

🖋 Linda Bali, Ă©ducatrice spĂ©cialisĂ©e en protection de l’enfance, assistante familiale au sein de l’aide sociale Ă  l’enfance.

🖋 Vincent-SosthĂšne Fouda-Essomba, chargĂ© de mission Ă  l’Espace de rĂ©flexion Ă©thique des Hauts-de-France – CHU de Lille.

🖋 VĂ©ronique Escames, auxiliaire de puĂ©riculture en crĂšche municipale dans les Yvelines

🖋 Christophe Ferreira, cadre Ă©ducatif sur un secteur de pĂ©dopsychiatrie, dans les Hauts-de-Seine.

🖋 Pauline Dolique-Sauvadon, technicienne en intervention sociale et familiale (TISF) dans le Vaucluse