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28 janvier 2022

🖋 Autoportrait de travailleur social • Véronique Escames, auxiliaire de puériculture en crèche municipale dans les Yvelines

Véronique ESCAMES

« Le 9 juillet, ma carrière s’est arrêtée. Parce que, à 54 ans, mon dos n’en peut plus. Et que, rien n’est prévu pour nous protéger, à part les postes aménagés… Alors c’est l’inaptitude »

Quel mot associez-vous spontanément au travail social ?

Solidarité, indispensable, méconnu.

Pour quelles raisons avez-vous choisi votre métier ?

Au départ, à 15 ans, je voulais devenir éducatrice spécialisée. Je voulais aider les jeunes délinquants et/ou toxicomanes. Après mon BEP Carrières sanitaires et sociales, option sociale, j’ai dû interrompre mes études une année afin de subir une intervention.
Au bout de six mois, j’ai pu reprendre une vie normale, et j’ai alors cherché du travail.
Entre temps, j’avais passé et réussi le concours d’entrée à l’école de moniteur- éducateur. On m’a proposé un poste d’animatrice dans un service pédiatrique, un Travail d’utilité collective (TUC). J’ai dit oui. Et là, je me suis retrouvée dans un service d’oncologie pédiatrique… à 18 ans. Pendant six mois, j’ai fait ce que j’ai pu, avec mes moyens, avec ceux que l’on m’avait donnés… c’est-à-dire, rien ou pas grand-chose. J’ai fait de magnifiques rencontres, surtout celle d’un petit garçon âgé de 18 mois. Ses parents, vivant à l’étranger, ne pouvaient pas être auprès de lui. Ce petit garçon, c’est lui qui m’a donné envie de changer de voie et de m’inscrire à l’école d’auxiliaire de puériculture.

Quelles formations avez-vous suivies ?

Tout d’abord un BEP Carrières sanitaires et sociales, option sociale, puis l’École d’auxiliaire de Puériculture et enfin - par correspondance - le BAC F8 (à l’époque Baccalauréat médico-social) et un BTS Économie sociale familiale.
Et, si je peux en ajouter une formation : j’ai participé à la naissance du Syndicat national des professionnels de la Petite enfance (SNPPE), merveilleuse idée de Cyrille Godefroy, surgie lors du confinement. Il s’agit du seul syndicat qui regroupe tous les professionnels de la Petite enfance.

Quel est votre meilleur souvenir professionnel ?

Difficile d’en choisir un…
Je travaillais en pédiatrie. Un petit garçon refusait de s’alimenter. Et puis, un jour, j’arrive pour prendre mon service. Je passe dans sa chambre, il voit le paquet de gâteaux que j’avais à la main pour notre pause-café/thé. Il me le montre. Après un échange de regards, je crois comprendre ce qu’il me demande. Alors, je lui tends un gâteau. Il le prend et le mange… tout doucement. À partir de ce jour, ce petit garçon a recommencé à s’alimenter petit à petit. Et nous, on a eu quelques gâteaux en moins, mais notre journée commençait très bien.
Et si je peux ajouter un excellent souvenir c’est ma participation à la naissance du Syndicat national des professionnel.le.s de la Petite enfance (SNPPE), merveilleuse idée de Cyrille Godefroy, surgie lors du confinement. Il s’agit du seul syndicat qui regroupe tous les professionnels.le.s de la petite enfance.

Le pire ?

Un repas. Les enfants mangent. Je tourne le dos à la porte d’entrée de la crèche. Un petit garçon se lève d’un seul coup. Je me retourne et je vois sa maman qui vient le chercher… car elle ne veut pas que l’aide sociale à l’enfance (ASE) le lui prenne. La directrice sort de son bureau suivie de son adjointe. Elles discutent avec la maman. L’ASE arrive. Re discussions. La maman pleure, le petit garçon est dans ses bras. Il pleure aussi… et on me demande de le prendre.
Et le dernier : un coup de fil un vendredi soir. Ma collègue me tend le téléphone car c’est pour moi : une dame de la mairie m’informe que je ne dois pas venir lundi, que mon dossier est passé en commission et qu’un avis d’inaptitude totale et définitive est tombé. Je m’écroule en larmes dans le dortoir. Je pleure un bon coup. Je suis de fermeture, je dois retourner dans la cour où, en ce jour ensoleillé, les enfants jouent et leurs parents viennent les chercher. Avec deux collègues, nous pleurons un bon coup. Je peux dire au revoir à quatre ou cinq enfants seulement, les autres sont déjà rentrés chez eux ou partis en vacances.
C’était le 9 juillet. Ce jour-là, ma carrière d’auxiliaire de puériculture s’est arrêtée. Parce que, à 54 ans, mon dos n’en peut plus. Et que, rien n’est prévu pour nous protéger, à part les postes aménagés… ne pas porter plus de 5 kg, donc plus de groupes de petits, et les autres collègues qui doivent supporter nos restrictions, et donc s’user un peu plus. Alors, c’est l’inaptitude. Un accompagnement dans la fonction publique, mais uniquement matériel…. Rien côté psychologique et moral.

Quel est votre livre de chevet ?

Enfance, l’état d’urgence, collectif CPE-Enfance, Éd. Erès, 2021.
Lire la critique de Jacques Trémintin

Retrouvez les précédents autoportraits

🖋 Murielle A., éducatrice spécialisée en centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS)

🖋 Thierry Trontin, co-gérant de la SCOP Voyageurs-Éducateurs et d’un lieu de vie et d’accueil

🖋 Laurence, référente de parcours du Programme de réussite éducative

🖋 Romain Dutter, ex-coordinateur culturel au centre pénitentiaire de Fresnes

🖋 Yazid Kherfi, médiateur tout terrain

🖋 Claude, assistante de service social en polyvalence de secteur

🖋 Patrick Norynberg, formateur consultant en politique publique, cofondateur et président de la Régie de quartier du Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis)

🖋 Émilie Philippe, éducatrice de jeunes enfants, membre du collectif Pas de bébés à la consigne depuis sa création en 2009.

🖋 Florent Guéguen, directeur de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS)

🖋 Léa Turchi, assistante de service social, coordinatrice à la mission interface au Samusocial de Paris

🖋 Sadek Deghima, chef de service d’un club de prévention spécialisée

🖋 Lucile Bourgain, monitrice-éducatrice

🖋 Tristan Montaclair-Le Foulgoc, éducateur de jeunes enfants qui travaille avec des adolescents

🖋 Cristel Choffel, conseillère technique de service social

🖋 Driss Blal, éducateur spécialisé, chef de projet au cœur d’un dispositif mis en place par un collectif d’habitants originaires du quartier populaire où il a grandi Tarbes (Hautes-Pyrénées)

🖋 Laure, assistante de service social en service spécialisé « Familles »

🖋 Vince, l’éduc spécial, agitateur spécialisé, dessinateur, chroniqueur, auteur, et accessoirement chef de service éducatif...

🖋 Julie (1), 33 ans, cheffe de service dans une structure accompagnant des mineurs isolés étrangers

🖋 Carlos Lopez, éducateur à la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) depuis 1999

🖋 Charline Olivier, intervenante sociale en gendarmerie

🖋 Antonio Argüelles Balletbó, éducateur dans un centre résidentiel d’action éducative (1) des Filles de la Charité, Fondation sociale à Barcelone (Espagne)

🖋 Sylvie Kowalczuk assistante de service social en polyvalence, formatrice occasionnelle, auteur

🖋 Frédéric Maignan, formateur indépendant en travail social

🖋 Émilie Mocellin, éducatrice spécialisée indépendante

🖋 Vivien Laplane, éducateur spécialisé, auteur, conférencier, bloggeur, et accessoirement sourd appareillé oralisant

🖋 Sophie Gaillard, secrétaire médico-sociale dans deux services d’éducation et de soins spécialisés à domicile (Sessad) en région PACA

🖋 Jean-Marie Vauchez, éducateur spécialisé et formateur, membre du Haut conseil du travail social (HCTS)

🖋 Ingrid Romane, éducatrice en maison d’enfants à caractère social dans le var

🖋 Xavier Bouchereau, chef de service en protection de l’enfance et consultant indépendant

🖋 Stéphanie Liatard, travailleuse sociale au Québec, Canada

🖋 Jérôme Beaury, directeur-adjoint auprès de la Direction de l’enfance et de la famille du Calvados, en charge de l’Aide sociale à l’enfance et auteur

🖋 Romane Glotain, éducatrice spécialisée et présidente de l’association "Le Jardin des Maux’passants en Loire-Altantique. Elle promeut les jardins thérapeutiques.

🖋 Maximilien Bachelart, Docteur en psychologie et psychothérapeute, superviseur au sein d’établissements de protection de l’enfance.

🖋 Audrenne Henke, directrice d’établissement.

🖋 Kevin Louineau, éducateur spécialisé en maison d’enfants à caractère social en Loire-Atlantique

🖋 Vincent Pallard, éducateur spécialisé dans un service d’accompagnement éducatif à domicile intensif dans l’Indre-et-Loire, formateur occasionnel et auteur

🖋 Linda Bali, éducatrice spécialisée en protection de l’enfance, assistante familiale au sein de l’aide sociale à l’enfance.

🖋 Vincent-Sosthène Fouda-Essomba, chargé de mission à l’Espace de réflexion éthique des Hauts-de-France – CHU de Lille.

Vous êtes tentés par l’exercice d’autoportrait de travailleur social ? Vous souhaitez partager votre expérience ? N’hésitez à nous contacter à l’adresse suivante : katia.rouff@lien-social.com