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📝 Tribulations d’une assistante sociale de rue ‱ LumiĂšre et dĂ©perdition

AppelĂ©e la ville des lumiĂšres (1), la capitale de la France regorge de contradictions. SurpeuplĂ©e, elle apparaĂźt, pour ses habitants, stressante et dĂ©shumanisĂ©e. Pourtant, lorsque nous levons le nez de notre tĂ©lĂ©phone ou des trottoirs que nous arpentons quotidiennement, nous pouvons de nouveau nous Ă©poustoufler de sa grandeur et de toute l’histoire qu’elle porte Ă  chaque coin de rue – coin de rue Ă©galement revendiquĂ© comme lieu de mendicitĂ© ou de couchage par une multitude de sans-abris –.
Si vous avez lu vulgaritĂ©s de dĂ©part #2 (2), vous n’ĂȘtes pas sans savoir que j’ai changĂ© d’emploi. Aujourd’hui, je maraude donc sur tout Paris, mais aussi et surtout, sur des lieux hĂ©tĂ©roclites pour approcher divers campements.
Bref, pour mon premier jour, les collĂšgues ont voulu ĂȘtre sympathiques et m’ont emmenĂ©e Ă  la recherche d’un homme pour lui soumettre une proposition d’hĂ©bergement. Évidemment, comme beaucoup de personnes Ă  la rue, ce monsieur n’est pas joignable par tĂ©lĂ©phone. Alors nous voilĂ  partis Ă  sa rencontre, d’abord sur son lieu de mendicitĂ©, une rue cossue qui sĂ©pare les enseignes Printemps et Galeries Lafayette. Ici, nous nous trouvons ballotĂ©s dans une foule de touristes, de riverains aisĂ©s et de travailleurs rentrant chez eux, Ă  tenter de redresser la tĂȘte pour apercevoir Monsieur. Faisant chou blanc, nous rejoignons, Ă  la nuit tombĂ©e, son lieu de villĂ©giature qui se situe Place de la Concorde. Pour les lecteurs qui ne connaissent pas Paris, cette place se trouve dans la continuitĂ© du Louvre et des jardins des tuileries avant de dĂ©boucher sur les Champs ÉlysĂ©es. À notre sortie du vĂ©hicule, je ne peux que m’émerveiller du paysage : en arriĂšre-plan nous avons un coucher de soleil teintĂ© d’orangĂ©, de turquoise ainsi que de multiples dĂ©clinaisons de bleu nuit quand, au-devant, se dĂ©coupent les silhouettes de l’obĂ©lisque et de la Tour Eiffel, que je ne peux m’empĂȘcher de photographier.
Lors de mon second jour, me voilĂ  Ă  intervenir dans l’Ouest parisien. Nous nous retrouvons dans le 16Ăšme arrondissement (3), entre le Pont de l’Alma (4) et celui du IĂ©na. Afin d’approcher un nouveau campement, nous descendons, dans un premier temps, dans un tunnel noir. Heureusement, les collĂšgues, habituĂ©s Ă  ce type de lieux, sont Ă©quipĂ©s de lampes torches qui Ă©clairent nos pas et nous guident. À retenir : m’équiper de ce type d’instrument pour mes prochaines maraudes. Puis, dans un second temps, nous devons traverser des voies conçues uniquement pour les vĂ©hicules. PiĂ©tons, nous escaladons donc les barriĂšres de sĂ©curitĂ© puis nous courrons pour traverser cette route afin de rejoindre les tentes et les couchages plus loin. De nouveau, Ă  cet instant, je ne peux m’empĂȘcher de prendre une photo de ces quais grandiloquents avec la Tour Eiffel qui les surplombe. Cette magnificence, plus que prĂ©sente, perd de ses paillettes dĂšs lors que nous Ă©changeons avec les personnes installĂ©es dans des campements dĂ©labrĂ©s.
Les lumiĂšres qui font la rĂ©putation de cette ville, ne savent pourtant n’éclairer que le plus beau, se permettant ainsi de laisser dans l’ombre la dĂ©perdition cruelle qui s’y dĂ©roule.


(1) Les premiers Ă©clairages publics voient le jour Ă  Paris sous Louis XIV en 1665

(2) Paru le 14/12/2022
(3) L’arrondissement que les personnes de mon statut social ne frĂ©quentent pas ou peu
(4) Connu comme symbole de la mort de Lady Di


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