Œil et oreille

À 11 ans, Tom vit seul avec sa mère dans la marginalité d’un mobil-home en lisière de forêt. Joss, la maman solo, est fragile, jeune et plutôt immature, précaire, grande gueule, voire explosive. «  Tout passe, tout lasse, tout se remplace  », résume-t-elle, fataliste, en guise de philosophie. Se plaignant parfois d’un «  destin embrouillé  », elle espère voir «  tourner la roue  ». Ayant grandi dans un foyer éducatif, elle se bat constamment contre une vie qui ne lui fait aucun cadeau. Mais elle en veut : (...)

Dans un solo, Emmanuelle Rigaud rend hommage aux héroïnes de la Maison des Femmes de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), des femmes victimes de toutes sortes de violences qui suivent ses cours de danse orientale. Elle fait du plateau scénique un monde de poésie totale, tourné vers l’intime. Les bâches de plastique au sol deviennent vêtement, tente, colline, vagues... Par ses déplacements, ses postures et jeux du corps, elle nous présente des femmes (jeune, âgée, pliée en deux, enceinte). Elle initie le (...)

Une voiture, traversant l’Iran et ses paysages somptueux. À l’arrière, un gamin de sept ans, remuant, chantant, dansant, blaguant — fatigant —, et son père avec une jambe dans le plâtre ; à l’avant, le fils aîné, grave et silencieux au volant, et la mère, dont l’humour caustique cache peut-être l’envie de pleurer ; dans le coffre, Jessy, leur chien, en fin de vie. Drôle d’équipage. Où vont-ils ? Que fuient-ils ? Dans un espace-temps improbable, le mystère s’épaissit autour du frère aîné : va-t-il se marier ? (...)

La bande dessinée London Vénus revient sur le parcours de vie d’une femme exceptionnelle : Alison Lapper, artiste mondialement connue. Un bel ouvrage qui retrace le parcours hors norme d’un bébé venu au monde en Angleterre en 1965 sans bras et avec des jambes atrophiées, caché à sa mère et confié à des institutions. Une jeune fille que l’on voit grandir au fil des pages et qui témoigne du côté protecteur de l’institution dans la campagne britannique de l’époque. Elle va faire l’apprentissage de (...)

L’heure est aux répondeurs téléphoniques fous, au jargon siglé et à la nov’langue, à la dématérialisation à outrance, au règne de l’algorithme, voire à la «  mutualisation des compétences avec les services de police  ». Mais attention ! Le travail social sera «  dis-rup-tif, co-cons-truit et in-no-vant   », répètent comme un mantra les trois comédiennes assistantes de service social, désireuses de partager leurs décoiffantes boîtes à outils. Engendrant mille malentendus, le télétravail et ses visios compliquées (...)

Sous le régime de Vichy, 45 000 personnes sont mortes dans les hôpitaux psychiatriques français. À Saint-Alban (Lozère), seule exception, soignants et malades ont accueilli clandestinement réfugiés et résistants. Les psychiatres François Tosquelles et Lucien Bonnafé y offrent l’asile, entre autres, à un certain Paul Éluard ; ils jettent les premières bases de la psychothérapie institutionnelle, nouvelle conception de la psychiatrie et de l’accueil de la folie. Beaucoup viendront s’y former, dont Jean Oury (...)

102 mineurs morts, tous fauchés par des voitures, renversés par une moto, une trottinette... Tel est le chiffre accablant de nos statistiques en France. Il donne le titre et le sens de l’exposition Projet [102], initiée par Charles-Henri Coppet, avocat spécialiste en droit du dommage corporel et défense des victimes. 102 œuvres d’art, 102 artistes et 102 témoignages interpellent fortement le visiteur. Des artistes directement ou indirectement concernés par ce thème ; des témoignages croisés de (...)

« Pourquoi Pépita sans répit m’épies-tu ?   » Dans un centre de détention pour femmes, Luc, chanteur lyrique, propose, en lien avec le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP), des exercices de diction ; il travaille sur la prise de conscience vocale, parle de l’importance du souffle en «  restant sur sa colonne d’air  » et de «  sentir la bascule du larynx  ». Musique, émotions, évasion, tout ici se tient. Mais nous sommes en prison : l’animateur doit gérer les humeurs, voire la violence, le (...)

Ils sont en équilibre sur un fil tendu, susceptibles de tomber dans le vide à tout moment. Aube, Yoan, Marcus, Jean-François sont des patients du service psychiatrique de l’hôpital de Bondy (Seine-Saint-Denis), filmés au plus près dans leur quotidien par le réalisateur Ilan Klipper. Un peu à l’image de la série belge Striptease, on assiste à des scènes parfois surréalistes laissant entrevoir leur folie dans toute sa splendeur. Une jeune femme très apprêtée et maniérée explique face caméra qu’elle (...)

Elles se sont rencontrées dans une laverie automatique. Alma et Margot, 27 ans, sont plus qu’amies. Liées par une certaine précarité — l’une s’occupe des ongles des autres, la seconde est serveuse dans un café —, elles se définissent avant tout par leur ardente passion pour le théâtre. Elles sont gonflées et vivent à cent à l’heure. Un énorme coup de bluff fera d’ailleurs qu’elles emporteront la mise lors d’une audition. Le théâtre, dans ce film, se voit traité en majesté. Les deux copines répètent une pièce (...)

En chantier de réinsertion, Naëlle, 19 ans, ardente pratiquante de street-art d’un quartier relégué, doit à sa responsable de faire la rencontre de Paul, Compagnon vitrailliste qui entrevoit le potentiel de la jeune fille et y croit. D’abord réticent — le monde des Compagnons est plutôt masculin —, il prend la jeune fille sous son aile d’artisan. Choc de deux univers : fragile, inhibée par un sentiment d’exclusion, Naëlle véhicule une image négative d’elle-même et aussi une violence à fleur de peau ; de (...)

Être femme en Bulgarie n’est pas de tout repos : ainsi, la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, n’a-t-elle pas été ratifiée par le pays, des manifestations ayant même lieu contre la destruction de la famille et l’encouragement à l’homosexualité que le texte allait entraîner. Dans ce pays corseté, deux sœurs se révoltent radicalement contre le sexisme et un patriarcat tout-puissant : lourdes blagues sexistes au (...)