L’Actualité de Lien Social RSS


■ ACTU - Protection de l’enfance • Une loi, des colères

Alors que les assises de la protection de l’enfance viennent de se dérouler les 24 et 25 juin à Nantes sur fond de colère des professionnels, le projet de loi sur la protection de l’enfance, présenté le 16 juin par le secrétaire d’Etat chargé de l’enfance et des familles, Adrien Taquet est examiné cette semaine par la commission des affaires sociales, plus de 400 amendements ont été déposés sur ce texte.

L’hôtel, interdit ?

Si certaines mesures sont saluées comme la lutte contre les violences dans les institutions, le contrôle des antécédents judiciaires des professionnels amenés à travailler auprès des enfants, la limitation du recours à l’hôtel, le projet de loi reste bien en deçà des attentes, voire même des promesses faites par le secrétaire d’Etat.
Ainsi, l’annonce de l’interdiction du recours à l’hôtel pour recevoir des enfants placés, révélée sur un plateau télé à la suite d’un reportage à sensation sur la protection de l’enfance s’avère dans le texte bien moins contraignante. Un décret doit encore préciser les modalités de cette mesure mais le projet de loi précise déjà des exceptions à cette interdiction « pour des situations d’urgence » ou pour « assurer la mise à l’abri de mineurs » pour une durée maximum de deux mois, le champ d’application reste donc vaste. L’Unicef regrette que certaines mesures comme cette interdiction « s’arrêtent à mi-chemin » et demande l’interdiction stricte du recours à l’hôtel. « Le texte laisse un goût d’inachevé sur certains défis majeurs de la protection de l’enfance », avance l’Unicef qui pointe notamment les « défauts d’exécution des décisions en assistante éducative par les départements qui maintiennent les enfants à la rue ou dans des situations de danger alors qu’un juge a ordonné leur placement ou des mesures en milieu ouvert ».

Mineurs non accompagnés fichés

Le projet de loi vient, selon de nombreux professionnels, contrer les principes de la Protection de l’enfance dès lors qu’il est question de mineurs non accompagnés (MNA). Il prévoit le recours obligatoire au fichier d’appui à l’évaluation de la minorité. « L’utilisation de ce fichier depuis 2019 par de nombreux départements a démontré sa nocivité : mineurs laissés à la rue dans l’attente de leur passage en préfecture, refus de mises à l’abri et d’évaluation à l’issue de la consultation des fichiers, édiction de mesures d’éloignement à l’égard de ceux « déclarés » majeurs, les privant de leur droit à un recours devant le juge des enfants… », dénoncent le Gisti, le Secours catholique, Médecins du Monde et la Cimade. Désormais, le gouvernement veut rendre l’utilisation de ce fichier obligatoire pour les quelques départements qui le refusent encore sous peine de se voir retirer la contribution financière de l’Etat pour la prise en charge des MNA.

Absence d’ambition

« Le mesures les plus fortes de protection des enfants placés sont tout simplement absentes du textes, dénonce Lyes Louffok de Repairs 75. Pas d’avocat obligatoire, pas d’instance indépendante de contrôle, pas d’interdiction des placements à l’hôtel et pas de protection pour les jeunes majeurs ». L’association Repairs 75 déplore que le projet de loi « passe sous silence le sort des milliers de garçons et de filles se retrouvant à la rue le jour de leur 18 ème anniversaire » et juge l’ambition de ce texte « inversement proportionnelle à l’ampleur des difficultés que vivent au quotidien les jeunes placés et les professionnels qui les accompagnent ». Aux assises de la protection de l’enfance, la Défenseure des droits, Claire Hédon, avançait que « bien traiter les enfants, c’est aussi bien traiter les professionnels qui prennent soin d’eux ». Au regard des témoignages réguliers dans nos colonnes des conditions de travail notamment dans les Hauts-de-Seine ou encore en Loire-Atlantique, on en est loin. Claire Hédon soulignait ses nombreuses réserves sur ce projet de loi, notamment concernant ses articles sur les mineurs non accompagnées (MNA) qui « relèvent d’avantage du contrôle migratoire que de la protection ». Elle s’inquiète également du glissement vers des mesures spécifiques qui différencieraient la prise en charge des MNA des autres mineurs. Et rappelle que le principe de la protection de l’enfance s’applique à tous les enfants, sans distinction. L’examen du texte devrait débuter le 6 juillet à l’Assemblée nationale.

Marianne Langlet