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Mineurs étrangers isolés • Des départements (ir) responsables

Alors que plusieurs départements ont décidé de ne plus accueillir de mineurs isolés étrangers, la Cimade et le Gisti rappellent avec force qu’ils « ne sont pas aux au-dessus-des lois » et qu’ils ont obligation de les protéger.

Les mineurs isolés étrangers, sont des enfants avant tout  ! La protection de l’enfance constitue une mission et une compétence départementales. Le premier accueil des mineurs isolés par les départements doit être un temps de repos et de protection avant toute évaluation de leur minorité et de leur isolement. Il s’agit d’une obligation légale des départements.



Mineurs non accompagnés campant devant le lycée Thiers à Marseille en septembre 2023. Crédit : Myriam Léon

Dormir à la rue

Or, ces enfants et adolescents doivent faire face à de multiples dysfonctionnements du dispositif sensé les accueillir dès le stade de présentation aux services de protection de l’enfance. Les conséquences ? « La rue, la violation de leurs droits fondamentaux, l’exposition à des traitements inhumains et dégradants, à des risques de maltraitance voire d’exploitation », dénoncent les associations.
Après la brusque baisse des demandes de protection due à la pandémie, les chiffres sont à nouveau à la hausse. « Plutôt que d’adapter leur capacité d’accueil, des départements ont décidé, en toute illégalité, de ne plus accueillir ces enfants », s’insurgent les associations. Face à cette situation, les tribunaux administratifs de Dijon, Marseille, Rennes ou encore Bordeaux, ont constaté que cette absence de mise à l’abri a pu porter une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. À Rennes, par exemple, une dizaine d’enfants sont concernés. Selon Utopia 56, entre le 1er juin et le 27 octobre 2023, cent huit jeunes personnes se déclarant mineures, dont trois jeunes filles, ont été accueillies et enregistrées par la mission MNA sans être mises à l’abri. Toutes et tous ont été contraintes de dormir à la rue pour au moins une nuit et généralement bien plus. Les délais pour que ces jeunes dorment sous un toit sont passés de quelques jours au début de l’été à plusieurs semaines.
Autre triste exemple : à Lyon, près de soixante jeunes dorment à la rue, les capacités d’hébergement de la métropole se limitant à seulement trois à quatre admissions par jour pour une dizaine d’arrivées. Les jeunes restent en moyenne sept jours dehors, et certains, admis en hôtel, y demeurent deux mois avant leur évaluation.

Plus récemment, la présidente du conseil départemental des Alpes-Maritimes a menacé de se mettre hors-la-loi en refusant de nouvelles prises en charge.
La situation de ces enfants provoque régulièrement la crispation des élus départementaux. Pourquoi  ? «  Depuis une dizaine d’années, des départements dénoncent le manque de moyens et expliquent que leurs dispositifs d’accueil sont "embolisés". Ils estiment aussi que la plupart de ces jeunes sont majeurs », analysent les associations.
La France s’est pourtant engagée à protéger tous les enfants, français ou non. C’est aussi ce que stipule la convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) : les mineurs isolés résidant sur le sol français ont les mêmes droits que les autres enfants. La protection de l’enfance est en crise et les mineurs isolés seraient la cause de tous ces maux. Et pourtant, les mineurs non accompagnés ont été un peu moins de 15 000 à être confiés à l’aide sociale de l’enfance (ASE) en 2022 tandis que plus de 377 000 mesures, tous enfants confondus, ont été prises sur la même période.
Les associations exhortent les départements à appliquer la loi.


Katia Rouff-Fiorenzi

À lire aussi :

Mineurs isolés étrangers. Quand l’exclusion devient la norme, dossier in Lien Social n° 1338, avril 2023.
https://www.lien-social.com/spip.php?page=recherche&recherche=1338

Mineurs non accompagnés. Déboutés de l’enfance, dossier in Lien Social numéro 1293, avril 2021.
https://www.lien-social.com/Mineurs-non-accompagnes-o-Deboutes-de-l-enfance