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14 décembre 2023

🎭 THÉÂTRE • documentaire spectaculaire

©LoicNys

Il est des années qui sonnent avec le recul comme des moments de bascule dans l’Histoire. 1983 est de celles-là pour la France, au triple plan économique, politique et social. C’est ce qu’évoque la pièce éponyme, 1983. Dans l’ombre, un décor multimodal avec une rangée de sièges à droite, une cabine vitrée au centre, un cube type mezzanine à gauche, un quatrième espace scénique en hauteur. Des textes blancs sur noir sont projetés sur le fond du plateau, avec des nouvelles et des commentaires historiques : « 40 ans ! … Le monde bascula… ». Puis huit acteurs entrent silencieusement sur l’avant-scène, sous la charge émotionnelle de la musique qui accompagne l’ouverture du spectacle, comme pour présenter muets, des fantômes, puis ressortent.

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L’époque des radios libres

Le spectacle nous propulse dans l’époque des radios libres, des concerts rock franco-arabes avec notamment le célèbre groupe Carte de séjour, mené par Rachid Taha. Il est largement question du militantisme et des luttes syndicales, avec les scissions des ouvriers de chez Citroën et Talbot ; des discussions intrafamiliales (entre Pierre, militant, Christine, employée à la Banque de France et leur fille, Anne, qui choisit l’engagement) ; des querelles au bar où des personnages vont virer réactionnaires et extrême droite, avec l’émergence du Front National.
En direct d’une radio libre (les ondes ne seront libérées qu’après l’alternance de 1981), un collectif d’informés (Guy, Christian et d’autres jeunes, venus de la cité des Minguettes à Vénissieux dans le Rhône ou de Nanterre, en région parisienne) lutte d’arrache-pied contre le brouillage des ondes et débat autour des informations locales récentes. C’est l’époque de la vidéo-trottoir où chacun y va de son reportage (celui sur Mohamed dont le frère a été assassiné) et de sa captation du réel : grèves, demandes de requalification de postes pour les travailleurs immigrés, d’augmentation des salaires, d’une carte de séjour de dix ans, des manifestations contre les meurtres racistes et les gardes à vue de lycéens, jusqu’à la « Grande Marche ».

©LoicNys

Marche pour l’égalité

1983 marque en effet la mise sous les projecteurs de la première génération de jeunes Français issus de l’immigration, avec la célèbre Marche pour l’égalité et contre le racisme. Le 15 octobre, une quinzaine de jeunes s’élancent de Marseille pour une traversée de la France, en réaction au tir policier qui a grièvement blessé Touimi Djaïdja aux Minguettes. Une marche pacifique pour dénoncer le racisme au quotidien, les insultes, les crimes. Au fil des étapes, le groupe s’étoffe et, à son arrivée à Paris, le 3 décembre, cent mille personnes accueillent les marcheurs.
En mêlant la vie et l’action de différents personnages (Anne-Marie et le représentant de la logistique sécuritaire de la marche…), la pièce 1983 emprunte tour à tour des registres politiques et comiques, tragiques et absurdes, et nous fait pénétrer à hauteur d’homme dans les grands bouleversements des années qui précèdent et suivent immédiatement cette année charnière, avec les espoirs, les désillusions, les dilemmes partagés. Conçue à partir des témoignages des principaux acteurs de ces luttes - en particulier des initiateurs et soutiens de la marche pour l’égalité et contre le racisme - elle rappelle combien ces événements et leurs enjeux sont encore d’une brûlante actualité.

Agnès Montagne

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Ce spectacle, créé le 9 novembre 2022 au Théâtre National Populaire de Villeurbanne (Rhône), constitue la dernière partie d’une trilogie consacrée à la déconstruction coloniale pour lutter contre le racisme systémique. Les acteurs déconstruisent la pensée binaire qui concerne la politique, le genre et le racisme.

1983

Conception : Alice Carré et Margaux Eskenazi ; écriture : Alice Carré ; mise en scène : Margaux Eskenazi assistée de Chloé Bonifay. Production La Compagnie Nova et Théâtre National Populaire.

Avec Armelle Abibou, Loup Balthazar, Salif Cisse, Anissa Kaki, Malek Lamraoui, Yannick Morzelle, Raphaël Naasz et Eva Rami. Durée : 2 h

À voir :

Le 2 février, à l’Espace 93 à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), à 19 h 30.
Le 6 février, au Théâtre de l’Arsenal – Scène conventionnée – Val-de-Reuil (Eure), à 20 h.
Les 9 et 10 avril au Théâtre des Ilets – CDN de Montluçon (Allier), à 20 h.
Contact : Gwénaëlle Leyssieux au 06 78 00 32 58.
À lire aussi Marche pour l’égalité. 40 ans après, quel bilan ?, dossier in Lien Social du 25 octobre 2023.Marche pour l’égalité • 40 ans après, quel bilan (lien-social.com)

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