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■ ACTU - À quand la reconnaissance des services généraux ?

Le 31 mai, une salariée des services généraux d’un dispositif d’accueil pour adolescents en difficulté a pris la parole lors de la mobilisation pour le Ségur pour tous. Nous publions son discours.


Je n’ai pas l’habitude de prendre la parole ainsi, mais ma colère et mon exaspération m’obligent à venir témoigner devant vous mes ressentiments depuis la mise en place de cette mesure plus que bancale ! Le Ségur.
Je viens ici devant vous pour crier l’injustice de cette mesure.
En quoi consiste mon travail ? Qui suis-je ?
Depuis près de trente ans, je travaille dans un dispositif institut thérapeutique éducatif et pédagogique (DITEP) dans lequel je suis chauffeur. J’accompagne tous les jours des enfants et adolescents de leur lieu d’habitation et du collège jusqu’à notre institution.
Je suis en colère car sur ma fiche de poste et mon bulletin de salaire il est noté chauffeur accompagnateur… Si j’accompagne les jeunes c’est bien que je suis au quotidien avec eux. Non ?
Je suis en colère car combien de fois des conflits se sont résolus dans mon véhicule ? Combien de fois ai-je repris avec les jeunes accompagnés les difficultés du quotidien ? Mais quand c’est moi ça compte moins que quand c’est un éducateur ? C’est ça le message ?
Je suis en colère car le législateur ne considère pas que je suis auprès d’eux… et pourtant, combien de fois, je fais des transmissions aux familles, aux partenaires…. Combien de fois je suis avec eux lors de camps ou d’atelier, sur des temps de repas…

Manque de considération

Bref, je suis en colère car je ne suis pas considérée !
Je suis en colère car tous les jours on me renvoie que je suis indispensable au bon fonctionnement de mon institution et pourtant je n’ai pas le Ségur !
Je suis en colère car mon rôle consiste à faire en sorte que les jeunes arrivent apaisés chez eux ou sur le DITEP et je ne peux pas le faire sans être en lien avec eux, auprès d’eux, à côté d’eux…
Je suis en colère car mon investissement est quotidien pour soutenir les enfants et adolescents dans leurs projets, leur quotidien …
Je suis en colère car je me considère, moi aussi, au même titre que les éducateurs et les thérapeutes du DITEP comme partie prenante d’un mieux-être et mieux vivre des jeunes….
Je suis en colère car combien de fois le trajet entre l’institution et le domicile d’un jeune a permis de mettre des mots sur un passage à l’acte, de reprendre une journée complexe ou être leur confidente.
Je suis en colère car dans mon DITEP on met en avant la psychothérapie institutionnelle… on me dit que tous les salariés sont des acteurs du soin… c’est donc renier mon travail que de ne pas me verser le Ségur !
Je suis en colère car, moi mais aussi, vous, nous, ceux qu’on nomme les services généraux, sommes les plus petits salaires des institutions et pourtant une fois de plus c’est nous qu’on précarise un peu plus.
Je suis en colère car je suis engagée depuis presque trente ans… Dans cette institution mais surtout auprès des enfants et adolescents et donc pour ces jeunes…
Je suis en colère car on ne me traite pas à égalité avec les autres salariés…
Je suis en colère car les choses ne bougent pas
Je suis en colère…
Et je resterai en colère tant que le Ségur ne sera pas pour tous !


Photographie : ©mevans