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■ ACTU - Recentralisation de la protection de l’enfance, le retour

Sa déclaration a surpris tout le monde. Dans une interview au Figaro le 11 octobre, Charlotte Caubel, secrétaire d’Etat chargée de l’enfance, s’est dit « prête à envisager de renationaliser la protection de l’enfance ». La réponse cinglante de l’association Départements de France ne s’est pas fait attendre.

« Face à la crise que traverse la protection de l’enfance ( ...), je souhaite que nous redéfinissions ensemble le cadre de notre travail autour de priorités partagées », a-t-elle déclaré. « Toutes les options sont sur la table, y compris celle de la renationalisation, même si ce n’est pas ma logique première. »



Face à des départements qui se disent débordés par l’arrivée de mineurs non accompagnés qu’il faut héberger et évaluer, l’État répond recentralisation. Ici à Marseille, un campement improvisé pour mettre à l"abris 80 jeunes laissés à la rue. ©Myriam Léon

La ministre réagissait notamment aux alertes lancées par plusieurs départements en difficulté pour répondre à l’afflux de mineurs étrangers isolés, dont le nombre d’arrivées a beaucoup augmenté depuis le printemps.

Le département des Alpes maritimes évoquait la saturation de ses structures d’accueil et le Territoire de Belfort a même voté fin septembre le plafonnement de la prise en charge des MNA. "Faut-il que l’État se charge de l’évaluation de la minorité de ces jeunes, de leur mise à l’abri - auxquelles il contribue déjà - ou plus largement de leur prise en charge ? La discussion est ouverte avec les départements", a indiqué Charlotte Caubel à l’AFP.

Au-delà de la question des MNA

Mais elle laisse entendre que la reprise en main par l’Etat pourrait dépasser la seule question des MNA : « Si les départements considèrent que la situation leur échappe, la question de la recentralisation peut être travaillée (...). Face au nombre de mesures de protection en attente, aux difficultés qui s’accumulent, il faut une opération musclée pour empêcher le secteur de s’enfoncer. »

Départements de France a réagi vertement à ces déclarations le 12 octobre. Dans un communiqué, son président François Sauvadet a exprimé « sa profonde indignation » face à des propos qui révèlent selon lui « une méconnaissance totale de la réalité du terrain », et qui sont « une insulte envers nos agents et salariés dévoués à la cause de la protection de l’enfance ».

Proposition de loi

Les Départements estiment que « la situation d’embolie auxquels sont confrontés (ses) services est en très grande partie due aux carences de l’État lui-même », notamment « en matière de pédopsychiatrie, de Protection Judiciaire de la Jeunesse ou d’accompagnement médico-social pour les enfants atteints de handicaps ». Ils n’entendent pas laisser « mettre en cause leur action », ni « leurs compétences ».

L’idée de retirer cette compétence aux départements était déjà l’objet d’une proposition de loi du sénateur Renaissance Xavier Iacovelli en janvier 2022. C’est aussi une demande ancienne de Lyes Louffok, militant et ancien enfant placé, qui n’a pas caché sa satisfaction sur X (ex-Twitter) : « Cela fait dix ans que je le réclame, alors merci. » « Les départements sont responsables de la situation critique dans laquelle se trouvent les enfants placés, déclarait-il peu de temps avant, l’Etat doit reprendre la main. »

Ce pavé dans la mare lancé par la ministre atteste au moins d’une volonté d’action, dont la protection de l’enfance a bien besoin.

Mariette Kammerer


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