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■ ACTU - Pacte migratoire européen : un accord inquiétant

Les représentants des états membres de l’Union européenne viennent de conclure un accord sur le dernier volet d’une politique européenne commune en matière d’asile et de migration. Des organisations de la société civile s’inquiètent d’entraves aux droits fondamentaux des personnes exilées.

Depuis septembre 2020, la Commission européenne oeuvre à une réforme qui prévoit de traiter une partie des demandes d’exiles à l’extérieur des frontières de l’Union. Elle introduit aussi la possibilité pour les États de déroger au droit international avec plusieurs options en cas de crise migratoire.



Cet été, l’Union européenne s’engageait à verser 105 millions d’euros à la Tunisie pour lutter contre l’immigration irrégulière. ©Jérémie Rochas

Ce mercredi 4 octobre, un nouvel accord a été acté. Il ambitionne d’accélérer les procédures et de solliciter la solidarité des autres pays de l’UE, en termes de relocalisation des demandeurs d’asile ou d’aide financière dans des « situations de crise, y compris l’instrumentalisation des migrations et la force majeure dans le domaine des migrations et de l’asile ».

S’affranchir du droit d’asile

Si l’accord est confirmé par le parlement européen, il autoriserait notamment les états membres à s’affranchir du droit d’asile lors de «  situations exceptionnelles d’afflux massif de ressortissants de pays tiers ou d’apatrides ». Dés lors, les ressortissants de pays dont les demandes d’asile présentent un taux de décisions positives de 75 %, ou moins, devraient être orientés vers des procédures accélérées se déroulant hors des frontières européennes.

« Ce serait une violation de la Convention de Genève qui prévoit un examen individuel approfondie pour chaque personne. Ça entérine une pratique de profilage par nationalité contraire au droit d’asile », réagit Lydie Arbogast, responsable des questions européennes à la Cimade. Elle craint également que cet accord ait pour conséquences des pratiques d’enfermement prolongé et des entraves graves aux droits fondamentaux des personnes exilées.

Le concept d’instrumentalisation des migrations

En novembre 2021, la Biélorussie avait été accusée par des membres de les Nations unies d’avoir délibérément planifier une vague migratoire et d’ « instrumentalisation orchestrée d’êtres humains pour déstabiliser la frontière extérieure de l’Union européenne ». Le conseil européen a décidé d’intégrer ce concept d’« instrumentalisation des migrations » au sein du nouveau règlement du pacte des migrations.

Pour Lydie Arbogast, l’usage de ce concept pourrait à l’avenir être manipulé par certains gouvernements à des fins politiques : « C’est très inquiétant. Cela donne la possibilité aux États membres qui se targueraient d’être instrumentalisé de se déroger au principe de non refoulement. Certaines ONG de secours et de sauvetage pourraient même être ciblées. »

Les négociations entre le Conseil de l’Union Européenne et le Parlement Européen vont maintenant débuter. L’Union européenne souhaite parvenir à la signature du pacte avant les élections parlementaires européennes en 2024.

Jérémie Rochas


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