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■ ACTU - Après le Ségur pour tous, les revendications à suivre

Pour promouvoir et voir (ré)émerger un travail social émancipateur, ils et elles se rencontrent deux fois pas an depuis 2018. Les 8 et 9 octobre, les 9e Rencontres nationales du travail social en lutte ont réuni environ soixante-dix personnes à Aubervilliers, près de Paris.

Après une année marquée par des mobilisations sans précédent dans le monde du médicosocial, l’objectif était de se projeter dans la suite alors « que les organisations patronales tiennent un double discours et cherchent à récupérer le mouvement ». Malgré le succès de la mobilisation nationale du 28 septembre qui portait à peu près les mêmes revendications que la base, la défiance est de mise alors que les négociations sur la convention unique sont freinées par les syndicats. « Les associations et fédérations employeuses censées nous représenter se révèlent être les courroies de transmissions des demandes de l’État. » Les forces en présence se reconnaissent plus dans la grève nationale interprofessionnelle qui se déroulait le lendemain.

Venus de Nantes, de Marseille, d’Ardèche, de Moselle, du Gard, de l’Ile de France… ils cherchent à organiser une unité à la hauteur de « la violence des attaques sur le secteur ». Souvent affiliés à un syndicat (avec une union intersyndicale rare) et membre d’un collectif (le social déchainé, le collectif protection de l’enfance , le social castagne, les indignés du social…), les travailleurs sociaux militants constatent avec regret l’évolution de leurs revendications premières. « On revendiquait des postes supplémentaires, aujourd’hui on demande juste que les postes soient pourvus, sachant que même si c’était le cas, nous n’aurions pas les moyens d’un accompagnement à la hauteur. »

Dans ce contexte, l’état des lieux n’engage pas à l’optimisme : 50 000 emplois à pourvoir, 150 000 départs à la retraite imminents, une baisse de 40% d’inscription aux diplômes du travail social. Ce manque d’attractivité na rien de mystérieux, il découle naturellement de la perte de sens et des bas salaires.

Beaucoup conviennent que s’ils n’étaient pas convaincus par le combat pour la prime Ségur, préférant lutter pour une augmentation de 300 à 400 euros pour tous, il fédère des personnes qui jusqu’à présent n’avaient jamais fait grève notamment dans les fonctions administratives et logistiques. « Je vois désormais ces 183 euros comme un passage obligatoire, une victoire à emporter, à célébrer pour poursuivre avec d’autres revendications », constate un éducateur spécialisé dans la protection de l’enfance.

Côté revendications à suivre, les sujets ne manquent pas : la fin de la mise en concurrence de tous contre tous avec les appels à projet, ne plus se comporter comme des prestataires de services qui répondent aux donneurs d’ordre, l’abolition du Séraphin PH (la tarification à l’acte façon social), freiner l’hégémonie des grosses structures qui absorbent les petites, la lutte contre la misère au-delà des corporatisme… « On ne doit pas être là pour faire accepter des conditions de vie indignes aux personnes que l’on accompagne », résume un éducateur spécialisé du SIAO 78. Le manque de moyens et le double langage du gouvernement est illustré par de nombreux témoignages.

Pour donner une chance à une autre vision du social et dans le refus de devenir des agents de normalisation, le groupe de travail a débattu pour établir un plan de contre-attaque de la marchandisation du secteur. Manifestations, opérations coup de poing, mobilisations en commun avec les secteurs de la petite enfance, la santé, l’animation, l’éducation devraient ponctuer l’année prochaine. « Nous devons également avoir des dates propres à notre secteurs pour démontrer notre capacité à fédérer nos métiers éclatés sur plusieurs ministères, et imposer notre agenda au patronat. » D’ailleurs, les travailleurs sociaux ne désespèrent pas de voir l’ensemble des citoyens à leurs côté. « Pour frapper encore plus fort, il faut rappeler que le social est partout. Nous sommes le parachute social en cas d’accident de la vie. Quand nos conditions de travail se dégradent, c’est toute la société qui est impactée. »

Texte et vidéos de Myriam Léon