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■ ACTU - À Marseille, environ 80 jeunes laissés à la rue

Le petit garçon se contracte comme s’il voulait disparaître. Il ne s’attendait pas en entrant en 6e à devoir faire face à ce type de réalité. Depuis le 13 septembre, une vingtaine de tentes bordent son établissement, un collège réputé du centre de Marseille. Tandis que lui entre dans la cours des grands, une vingtaine de jeunes garçons d’origine subsaharienne se sont installés là pour appeler le département à prendre ses responsabilités.



Tous affirment être mineurs et isolés, tous sont laissés à la rue en attendant que l’Addap13, association mandatée par le département, évalue leur situation de minorité et d’isolement. Faute de place adaptée à leur hébergement, ils restent livrés à eux-mêmes, certains dorment à la gare, d’autres trouvent des places dans des squats. Sur le campement, les adolescents disent attendre depuis deux mois, un mois… Il y a aussi des néo-arrivants orientés vers ces abris de fortune par la police, le commissariat central, où les mineurs se réfugient quand ils n’ont nulle part où aller la nuit, se trouve juste à côté.

Le 13 septembre pour se rendre visibles, 60 jeunes à la rue ont manifesté devant l’ADDAP13 pour demander une prise en charge. Face à ce mouvement, le service de premier accueil pour les mineurs non accompagné a tout bonnement fermé ses portes. Le groupe et leurs soutiens ont alors tenté de poser 23 tentes sur la Canebière bien en vu, mais ils ont été immédiatement expulsés.



Alors, une quarantaine d’entre eux se sont rabattus sur cet emplacement plus discret, mais hautement symbolique puisque c’est le département qui à la responsabilité des collèges et de l’aide sociale à l’enfance. « Depuis leur installation, les conditions de vie sont déplorables sur le campement, comme dans les squats : la pluie, l’accès quasi nul à l’hygiène, à la santé, à la nourriture, à la scolarité, ce qui va à l’encontre de la loi qui prévoit que les MNA soient immédiatement pris.es en charge par les départements, s’énerve une ex-éducatrice de la protection judiciaire de la jeunesse, qui estime qu’environ 80 jeunes sont actuellement à la rue. Cette politique, justifiée par le manque de place, est en réalité un choix. Nous savons qu’à chaque fois que le département a été enjoint par le tribunal administratif à une mise à l’abri, ils ont trouvé des places... en 24 h ! »



Le lundi 18 septembre à 17h, deux mondes cohabitent sans se rencontrer. D’un côté, les collégiens agglutinés sur la place devant la portes de leur école se disent au-revoir et à demain. De l’autre, dans la rue qui longe l’établissement scolaire, des jeunes tuent le temps sans savoir de quoi demain sera fait. « Nous pointons tous les lundis, mercredis et vendredis entre 9h et 11h à l’Addap13. Mais à part un café et des petits gâteaux, il n’y a rien. Ni place d’hébergement, ni soin, ni formation, » résume le jeune « africain de l’ouest » comme l’appel ses compagnons pour signifier qu’il parle français. Une banderole résume leurs attentes : « Des papiers, un toit, une école ».

Pour eux, après un parcours migratoire traumatisant, ce total dénuement empêche la rencontre avec ces autres jeunes qui eux ont une vie d’enfant. « On a la tête qui chauffe trop, donc on n’a pas envi de parler », explique l’un d’eux avant de replonger son regard sur son téléphone.

Rassemblement solidaire

Une collégienne ne parvient pas à quitter des yeux le campement : « Ça me fait bizarre parce qu’avant ils n’étaient pas là. » Quand sa mère comprend qu’ils squattent la rue parce qu’ils n’ont nulle part où aller, la réponse fuse : « il faut leur trouver une place, parce que d’habitude c’est nous qui restons là pour discuter entre parents pendant que nos enfants jouent. » Une autre réalité de Marseille, la crise du logement pousse les familles à vivre dans des appartements trop petits et à profiter dès que possible de l’espace public.

Pour ne pas laisser seuls ces jeunes, des solidaires appellent les collectifs, syndicats et associations à se mobiliser à leurs côtés, ce soir à 18h à quelques mètres du campement : « Rassemblons nous pour exiger une prise en charge immédiate des jeunes MNA à la rue, et plus largement de tous.tes celleux qui errent dans les rues de Marseille, pour l’ouverture de places d’accueil et une politique de l’hospitalité. »

Texte et photos Myriam Léon


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