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■ ACTU - À Marseille, des jeunes déminorisés expulsés de leur lieu de vie

« Pendant ces huit mois, il s’est passé quelque chose d’important au niveau de l’accompagnement éducatif, souligne Hélène, solidaire du collectif 113 et titulaire du diplôme d’éducateur spécialisé. Nous avons construit un collectif dans lequel vingt-cinq jeunes déminorisés et en recours ont pu s’approprier leur lieu de vie et entamer un travail de réparation des traumas. »



Installés au vu de tous dans un kiosque, les jeunes du collectif 113 risquent à nouveau l’expulsion. ©Myriam Léon
Après huit mois, un arrêté d’expulsion a mis fin à cet accompagnement social bénévole expérimenté au 113 Canebière, squat situé au coeur de Marseille, face à la faculté de droit. Ce collectif d’adolescents en parcours d’exil repose sur trois piliers : Hélène, Isabelle, ex-éducatrice protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et Jeanne, sociologue. Ensemble, elles ont permis à ces jeunes de se loger, de se nourrir, de se soigner, d’avoir des loisirs et de s’éduquer. Tous scolarisés, ils peuvent plus sereinement entreprendre des démarches administratives et juridiques. Ainsi, la longue attente (huit à douze mois) d’une décision d’un juge des enfants sur leur minorité ne met pas leur vie entre parenthèse.

12 cars de CRS pour 50 jeunes

Depuis dimanche, installés dans des tentes disposées dans un kiosque situé à quelques pas de leur ancien domicile, ces 25 jeunes vivent dans l’espace public. Ils ont choisi de devancer l’évacuation ordonnée par la préfecture. Ce mercredi à 7h du matin, les 12 camions de CRS n’ont donc été mobilisés que pour évacuer le 115, un immeuble mitoyen, également squatté par 25 jeunes exclus de la protection de l’enfance par le département des Bouches-du-Rhône.

Désorganisés, mal soutenus par des bénévoles pensant qu’avec un toit tout va de soi, eux n’ont pas su éviter la violence d’une mise à la porte par les forces de l’ordre et ont été orientés vers un gymnase, en attendant une place dans des foyers d’hébergement d’urgence où même les adultes redoutent d’atterrir.
« Le 115 n’a pas su constituer un collectif capable d’établir des règles et de sécuriser l’espace, regrette Jean-Régis Rooijackers de l’association Just qui accompagne l’expérimentation sociale dans des lieux d’habitation par nécessité. Quand on est en détresse psychique, on n’est plus en capacité d’élaborer une organisation. »



Les 25 jeunes scolarisés ont prévenu leurs établissements scolaires de leur absence et attendent dans l’angoisse l’issu de ce combat. ©Myriam Léon
Ce mercredi après-midi devant un petit groupe de personnes venues en soutien, une membre du Syndicat des avocats de France (SAF), Laurie Quinson prend la parole pour souligner l’indignité de la situation. « A l’issus de l’évaluation administrative, si les jeunes ne sont pas reconnus mineurs, ils sont remis à la rue sans autres types de vérification et sans accompagnement… Pourtant, ces jeunes seront vraisemblablement reconnus mineurs par les juges des enfants à l’appui de leurs documents d’état civil. »

Au vu de cette situation, la revendication est claire : l’inscription dans la loi d’une véritable présomption de minorité jusqu’au bout de la procédure d’évaluation avec un accompagnement et une prise en charge adéquats.

Cette évacuation d’un collectif organisé et accompagné, tranche singulièrement avec la prochaine inauguration d’un centre d’accueil des demandeurs d’asile (Cada) autogéré à quelques mètres de là. Après douze mois d’occupation, l’association des Usagers de la plateforme des demandeurs d’asile a obtenu une officialisation d’un squat où vivent une quarantaine d’exilés (article à lire dans le numéro de Lien Social qui sortira le 6 octobre). Alors que le propriétaire, l’Établissement public foncier a dans ce cas accepté de signer une convention d’occupation temporaire, il a demandé l’expulsion du 113 et du 115.

Cette fois, il lui manquait dans la boucle des partenaires, une structure reconnue et capable d’endosser la responsabilité du collectif. Si les habitants du Cada autogéré ont obtenu le droit de passer l’hiver en sécurité, c’est grâce à la prise de risque d’une institution de poids sur le territoire, Habitat alternatif et social.
Myriam Léon


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