L’Actualité de Lien Social RSS

Connaissez-vous le stéréotype (récent) apposé aux assistantes sociales – féminisée ici car ce dernier s’applique beaucoup moins au genre masculin – qui considère qu’elles se fournissent toutes, vestimentairement parlant, chez la marque Desigual (1) ?

Alors, bien que cette réflexion génère quelques sidérations de votre part, je vous informe que je ne fais pas partie de cette tribu ! Pour commencer, cette marque ne correspond pas à mes moyens financiers. Ensuite, si je porte des couleurs vives ou foncées, c’est pour mieux cacher les tâches de nourriture que je m’inflige immanquablement à chacun de mes repas. Vous l’aurez compris, je suis gauche et gauchère !

Etant la seule représentante de ma fonction au sein d’une équipe pluridisciplinaire, entourée d’éducs et de médiateurs, je reçois régulièrement des taquineries liées à cette représentation. Pour être honnête, je corresponds toutefois bien à quelques stéréotypes sur les assistantes sociales – attention, ici je ne parle pas de ceux, surannés, tels que la vieille fille aux chats, la bonne-sœur ou la (f)rigide. Oui, j’admets volontiers que je fume comme un pompier, bois des litres de café, de la bière aussi après une dure journée, préviens d’un retard quand j’arrive à l’heure, suis organisée dans mon bazar et capable de faire un millier de trucs à la fois, tout en m’emmêlant les pinceaux. Je n’ai pas de baguette magique, mais un cerveau qui peut réfléchir vite, sauf pour le calcul : ce fichu produit en croix me demande toujours réellement cinq minutes de réflexion !

Avec l’expérience, j’ai appris à accepter mes imperfections. Pire, j’ai même appris à les accentuer (trop) souvent pour faciliter l’entrée en lien avec le public que je côtoie. Trop de perfections, ainsi qu’une façade lisse, ne peuvent que nous positionner à un niveau au-delà de l’humain (relatif à la toute-puissance) et donc créer un fossé difficile à combler dans la relation, surtout avec les plus précaires, les plus éloignés des institutions.

Alors, quand je prends des notes pendant un entretien, je le justifie en précisant que je n’ai pas de tête. Quand je dois calculer un budget, je demande systématiquement à la personne que je reçois de m’aider parce que je suis nulle en maths. Quand je me renverse n’importe quelle substance dessus, j’invective la maladresse qui me poursuit et ainsi de suite… Je joue donc de ces failles pour favoriser un sentiment d’égalité, un moment de détente et de moqueries, donc de partage, instants qui deviennent une sorte de fondement primordial à la relation – d’aide ou éducative – qui s’installe.

Maintenant et d’après vous, suis-je donc une Desigual, c’est-à-dire une révolte contrôlée, une représentation de la déstructuration, forme de projection en métaphore de ce que vivent les personnes que nous rencontrons ?

---

(1) Vous voyez ces habits extrêmement colorés et déstructurés qui ressemblent à de l’art abstrait ?