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• TERRAIN - « Nous ne sommes personne » : Épisode 3 : Étienne*, coordonnateur du projet pour l’enfant

Tableau de bord d’un service ASE
Ces professionnel(le)s de l’ASE sont investi(e)s dans leur travail
et y croient à la protection de l’enfance.
Mais, la saturation, le découragement, l’épuisement les menacent.

Épisode 3 : Étienne*, coordonnateur du projet pour l’enfant


8h15, j’attrape mon sac et mon badge, et descends au garage récupérer le véhicule pour faire cette heure de route. On m’attend à 9h30 au Tribunal pour une audience. Les parents ont pu prendre le train de 7h21.

À la sortie, j’en profite pour passer à la Maison d’enfant à caractère social d’à côté, afin d’y déposer un tas de masques aux enfants du collectif : le service courrier ne « peut pas » leur envoyer : trop cher !

Un arrêt à la boulangerie, choisir un sandwich qui ne coule pas trop, car oui, je vais manger au volant. Je vais même passer un coup de fil, pendant cette heure de trajet, car c’est le seul moment de la journée qui me reste pour faire un retour de l’audience à l’équipe du foyer.
Je pars pour une visite fratrie à l’autre bout du département. Madame n’a pas le permis, elle sera accompagnée par sa mère qui l’emmène en voiturette, comme chaque semaine. Elles, elles ont deux heures de route pour rejoindre le foyer.

Il est 15h00, les enfants se quittent, ravis de ce moment passé. Le téléphone sonne, c’est le gîte de Dorian* : il a encore fugué cette nuit, après avoir insulté et tapé un autre jeune accueilli. Ça suffit, ils « n’en veulent plus », l’accueil s’arrête ce soir à 17h00. Dorian a des troubles du comportement. Il est depuis un an et demi en attente d’une proposition. La plateforme d’orientation a fait deux demandes d’admission, mais refus des structures : trop de troubles, parents trop loin, trop de visites à organiser. Trop, toujours trop ! Toujours la double peine !

Je repars au service appeler la liste de gîtes, je me transforme en commercial, ça discute prix de journée et majoration pour les troubles.
Ah, et voilà maintenant la question des taxis qui devront assurer les trajets : « Je ne le prends pas sinon ! »

Cette fois-ci ça sera la Charente-Maritime. Il est 18h30, Dorian est en route. J’irai le voir demain, tant pis pour la réunion d’équipe.
Moi dans tout ça, que puis-je faire ? Dans les discours, jamais rien sur l’ASE, je ne suis personne.

*Prénom anonymisé


Prochain épisode : Ludivine*, cadre éducatif