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Violences sexuelles : débats houleux en vue à l’Assemblée nationale

Dans la France de 2018, il est encore possible pour un enfant de subir un viol sans que l’auteur présumé ne soit condamné. Car l’enfant doit toujours parvenir à prouver, comme un adulte, qu’il n’était pas consentant, qu’il n’a pas clairement dit « non » à son agresseur, qu’il a subi « une contrainte, une violence, une menace ou une surprise » comme le prévoit le code pénal. L’âge n’entre pas en ligne de compte.

La question des violences sexuelles sur mineurs fera partie des débats, à partir d’aujourd’hui en séance publique à l’Assemblée nationale, du projet de loi contre les violences sexuelles et sexistes décidé à la suite du mouvement #MeToo. Fin 2017, deux procès avaient indigné l’opinion : l’un à Pontoise, quand le parquet avait requalifié en « atteinte sexuelle » des faits de viol sur une fillette de onze ans, l’autre à Meaux qui avait abouti à l’acquittement d’un homme accusé de viol sur une enfant, onze ans elle aussi.

L’imbroglio du non-consentement

Marlène Schiappa, secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, avait donc à l’automne évoqué son intention d’instaurer une « présomption de non-consentement » pour les mineurs de moins de quinze ans. Mais, en raison d’un avis défavorable du Conseil d’État rendu en mars, le texte retoqué en commission la semaine dernière a supprimé cette mesure. Il prévoit simplement que « la contrainte morale ou la surprise sont caractérisées par l’abus de vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour consentir à ces actes ». Et renforce les peines pour les délits d’atteinte sexuelle sur les enfants de moins de quinze ans.

Un adulte ne touche pas à un enfant

De nombreuses associations critiquent vivement un texte trop timide, qui ne renverse pas la charge de la preuve vers l’adulte et risque de déqualifier le viol en simple délit pour « atteinte sexuelle ». L’ancien juge des enfants Jean-Pierre Rosenczveig en appelle à la raison, en lançant une pétition intitulée « Toute relation sexuelle avec un enfant est un crime ». Et argumente : « cette infraction spécifique que nous proposons couperait court aux débats actuels sur le viol. L’attitude de la victime ne doit pas être un élément constitutif de l’infraction. Un adulte ne touche pas à un enfant. Point-barre ! » Une autre pétition intitulée #LeViolestUnCrime, signée par des militantes féministes et des élus, a été lancée notamment par Lyes Louffok, ancien enfant placé et membre du Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE). Sur son compte Twitter, il s’indigne : « 2018 : L’année où, en France, des parlementaires débattent pour savoir si pénétrer un·e enfant est un viol ou non. L’enfant victime que j’étais ne vous remercie pas ».