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Il n’a connu que la rue, l’instabilité, l’insalubrité, l’errance et le dénigrement. Pourtant entouré de parents et d’une grande fratrie, il a vécu livré à lui-même dans cet ensemble à la portée du monde. Le dédain, il connait, l’ignorance, il ne l’a que trop côtoyée et aujourd’hui il vit dans une grande villa avec un seul adulte pour référence et quatre autres enfants pour colocataires.
Il a sa chambre.
Une grande et belle chambre. Douze mètres carres pour lui et ses Playmobiles. Il l’a tapissée de dessins, coloriages et mots doux qu’il s’auto adresse. Il l’a remplie d’objets « au cas où ».
Pleine de bouts de cartons, de morceaux de papier, de brins d’extérieur, de débris d’objets, il accumule les petits bouts. Il aime se construire des mondes et reconstruire le cassé. Il met en scène ses petits personnages dans des univers faits de bric et de broc. Il les fait évoluer dans cet espace qui lui est propre, il y raconte son histoire, y a déposé sa mémoire.
Puis il casse.
Il cogne les murs pour arracher des bouts de placo et renforcer avec eux la maison de carton édifiée pour ces petits personnages de plastique. Sa chambre se délabre autant que ses constructions se renforcent. Il navigue dans un environnement de plus en plus rempli, il s’oublie dans cet espace qu’il dépossède.
Son lit lui sert de table, il dort au sol désormais. Son mur s’émiette, il comble de posters ce blanc qui a viré au gris avec le temps. Son bureau s’est vidé de ses livres, il sert d’entrepôt, de réserve semi organisée où les petits bouts de papiers déchirés s’ordonnent anarchiquement entre les morceaux de cartons amoncelés. La déchéance environnementale s’amorce soulignée par une odeur maintenant insoutenable. Son sol est jonché de chaussettes sales, de constructions, de bouteilles de lait déversées, de détritus et de livres nonchalamment posés là. Parce que il est grand lecteur cet enfant ! Il absorbe les mots à vitesse éclair, il aime se plonger dans ces histoires fantastiques les dévorant aussi vite qu’il ne les délaisse.
Il lui est demandé de trier, de ranger, de jeter, de nettoyer. Des tentatives sont faites pour l’accompagner, pour faire avec lui, pour amorcer, pour initier le changement. Et pourtant…
Rien n’est possible.
Son antre est désormais inaccessible. La solution ultime lui est expliquée.
La menace du prendre soin devient nécessité. Il lui est difficile d’entendre cette volonté d’accéder à lui, mais l’heure n’est plus au choix.
Son accord n’est plus requis, il ne peut s’en saisir alors nous ferons à sa place.
Un matin de Mars il nous voit débarquer.
Gants aux mains, masque au visage, jogging, basket, sac poubelles en réserve, l’heure du vide a sonné.
Il ne s’y oppose pas, ne fait pas barrage.
D’un revers de main il vide le lit au sol, s’y fait une place et demande notre téléphone.
« On peut mettre de la musique ? » Il s’improvise DJ d’un set musical de quatre heures.
Quatorze sac poubelles se remplissent, deux heures de ménage s’en suivent, il n’aura pas bougé du lit assistant à une valse incessante de récurage sans précédent.
Le lendemain il est surpris en train de pleurer.
Il n’en exprime rien, ses larmes parlent pour lui.
Quelques jours plus tard il a été surpris changeant ses draps pourtant peu salis.
Il souriait…
Il n’en a rien dit, ses yeux parlaient pour lui.
Jeune garçon de douze ans s’est vu dépossédé d’un passé reconstitué laissant place au présent en toute sécurité.