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Écoliers. Documentaire de Bruno Romy. 70 minutes.

Nous voilà projetés dans un jardin secret, un lieu d’affranchissement et de construction : 24 écoliers de CM2, évidemment plus que vivants, dans une banlieue de Caen, et un professeur des écoles, tendance Freinet. Le réalisateur va tenter de capter le processus d’apprentissage avec les petites peurs, les doutes, rêveries, apartés, bisbilles, chuchotements, chahuts, conciliabules, entraide, vacheries qui, forcément, l’accompagnent. Il s’agit bien, en ce lieu, d’apprendre les fondamentaux, dont celui de faire société.

Cette plongée en huis clos est articulée en triptyque : d’abord le groupe, aventure collective, où il s’agit de faire communauté, de communiquer, de négocier parfois, de s’autonomiser. Parfois bordéliques, les conseils hebdomadaires — pensés pour exprimer ses frustrations, ses humeurs ou ses incompréhensions—, les cours de chants ou d’anglais sont à cet égard exemplaires d’un unisson, d’une solidarité à construire.

S’ouvre ensuite le chapitre des duos et des trios. Alliés, rivaux, partenaires conflictuels ou non, les voisins de travail, collés serrés, réparent de mutuelles carences, négocient un conseil en maths contre trois bonbecs parfum coca, se disputent un crayon, se houspillent et se réconcilient. Le tout est d’un comique garanti et d’une indiscutable fraicheur.

Enfin, en mode solo, face caméra, de petits portraits sensibles isolent l’individu du collectif. Le cinéaste pose à chacun des questions pragmatiques, loufoques ou existentielles : « Comment vois-tu ton avenir ? », « Quel est le dernier rêve dont tu te souviennes ? », « Que penses-tu de ton instituteur ? »… Empreintes de poésie, les réponses sont libres, marrantes, parfois surréalistes. La caméra prend le temps, en plans séquences appuyés, de faire surgir la vérité de l’enfant. Le cinéaste veut révéler « des évasions propres à l’enfance : ce pouvoir de concentration mais aussi de déconcentration presque immédiat, la capacité à passer rapidement d’une émotion vers une autre, souvent contradictoires, la soif d’apprendre qui n’est pas antinomique avec l’envie de ne rien faire ou de faire autre chose… » L’ailleurs intime des enfants n’est pas incompatible avec l’apprentissage, souligne le réalisateur. Assis au fond de la classe, le maître suggère, oriente, apaise, ajuste…

Somme toute, cette délicieuse peinture pourrait sembler idyllique, frisant la non-violence absolue ; en regard d’autres films — « Entre les murs », « La récréation », « Être et avoir »… —, elle pourrait même sembler manquer de problématisation. Reste que l’observation frappe par sa profondeur et sa délicatesse.

Joël Plantet

Sortie en salle virtuelle sur la 25ème heure le 28 avril.