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Sireva, le support d’évaluation qui inquiète l’ANAS

Au moment où sont discutées des préoccupations telles que « comment mieux réguler la collecte et l’utilisation des données relatives à notre santé ? » aux États généraux de la bioéthique, l’association nationale des assistants de service sociaux (ANAS) pointe du doigt un nouveau dossier informatique portant sur la perte d’autonomie.

Après la loi d’adaptation de la société au vieillissement du 28 décembre 2015, et dans un esprit de prévention de la dépendance, un nouveau support d’évaluation des besoins des personnes âgées vivant à domicile a vu le jour : SIREVA. Partagé par le régime général, la Mutualité sociale agricole (MSA) et le Régime social des indépendants (RSI), ce nouveau-né dans la sphère de la perte d’autonomie questionne, voire inquiète.

SIREVA est un dossier informatique qui regroupe la grille AGGIR - déjà utilisée par les départements pour déterminer la perte d’autonomie - et la grille FRAGIRE, nouveau test qui identifie les personnes non dépendantes en risque de l’être et leur niveau de fragilité. Ce test dit « prédictif » a été élaboré sans l’avis des travailleurs sociaux en charge des évaluations à domicile.

L’objectif affiché est de permettre un échange dématérialisé entre des évaluateurs et les caisses de retraite pour être au plus près des besoins des personnes âgées, et donc pouvoir y répondre au plus vite par des « plans d’actions personnalisés ». Cependant, les professionnels du secteur ont interpellé l’ANAS quant au non-respect de la vie privée des personnes évaluées et à l’impact sur les pratiques professionnelles. L’association s’est exprimée dans un communiqué du 17 avril.

Non respect de la loi Informatique et Libertés

Selon l’ANAS, le support SIREVA s’arrange avec les principes fondamentaux de la loi Informatique et Libertés. Le consentement réel des personnes est mis en cause, ainsi que leur droit de se rétracter. Certaines d’entre elles ont également reçu des propositions de prestations extérieures non prévues par le plan d’aide de la part de services conventionnés avec les caisses de retraite, ce qui questionne sur l’utilisation des données informatiques de SIREVA. Enfin les données concernant la santé étant jugées sensibles, elles doivent être anonymisées, ce qui semble ne pas être le cas ici.

Vers un formatage de l’intervention sociale

La composition de la grille SIREVA et l’entretien par lequel elle est remplie amène à une confusion du rôle des évaluateurs - des assistants sociaux la plupart du temps - qui se muent en enquêteurs. Par exemple, les questions, nombreuses et précises, sur tous les domaines de la vie de la personne nécessiteraient l’intervention d’une équipe pluridisciplinaire. Ensuite, les tests cognitifs et tests de marche ne font pas partie des compétences de l’assistant social à qui l’on demande pourtant de les mener. Enfin, certains items ne peuvent être abordés de façon frontale au premier entretien, la souffrance psychique ou les idées suicidaires d’une personne se discutent dans le temps et au fil de la relation.

Le test SIREVA ne doit pas se faire au détriment de la rencontre, et l’évaluation ne peut pas remplacer l’accompagnement social au plus près de la personne. Pour l’ANAS, le travail de l’assistant social et la mise en œuvre des pratiques professionnelles sont gravement mis en cause.
S’ajoute à cela une dimension légale : les assistants sociaux, soumis au secret professionnel sont mis dans une posture intenable car en partageant des informations sur la personne accompagnée, le professionnel engage sa responsabilité pénale.

La Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) n’a répondu à aucune sollicitation de l’ANAS qui s’exaspère de ce manque de transparence et a formulé deux recours auprès de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).