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■ ACTU - Sauvegarde 93 • La réponse d’un éducateur

La mobilisation des salariés de la Sauvegarde 93 devant le siège de l’association le 23 mars comptait environ 70 personnes selon les organisateurs. (c) DR

Le 1er avril, Lien Social publiait sur son site un article consacré à la mobilisation des salariés de la Sauvegarde 93, rassemblés le 23 mars devant leur siège pour protester contre la dégradation de leurs conditions de travail. "Depuis 2015, ils tentent d’alerter leur direction générale sur des pratiques managériales autoritaires qui provoquent mal-être et départs en cascade", écrivait notre journaliste Myriam Léon.

Le 8 avril, nous publiions le droit de réponse qui nous a été envoyé par la présidence de la Sauvegarde qui dément les éléments avancés par l’article et juge les propos du délégué syndical FO "inadmissibles et diffamatoires".

Ce dernier, Farid Bennaï, nous a fait parvenir sa réponse que nous publions ci-dessous dans son intégralité. Ces différents échanges semblent symptomatiques du malaise qui, au-delà de la situation spécifique de la Sauvegarde 93, traverse la protection de l’enfance.


Je découvre les propos et affirmations de la présidente de la Sauvegarde 93.

Ils s’inscrivent dans la droite lignée de ce que je vis au quotidien, à savoir ma réalité de salarié et de représentant du personnel. Mais aussi de celle de nombreux collègues, salariés syndiqués ou non … Sans vergogne : déni, menace, intimidation et sanction sont des mots d’ordre érigés comme des éléments de langage, et ce, de la présidence jusqu’aux chefferies de service. C’est donc là le lot de ce que la contestation et la réclamation salariales apportent lorsque l’on s’emploie à les porter, conformément au rôle induit par la représentation du personnel.

A la Sauvegarde 93, les effets délétères d’un mode de management générateur de souffrance au travail, de ce que l’on appelle les risques psychosociaux, sont rejetés en bloc par l’ensemble de la hiérarchie, dans ses moindres strates. Quant aux encadrants qui ne se comporteraient pas comme de fidèles exécutants, c’est-à-dire prompts à la confrontation automatique, la démission reste la voie de sortie. C’est ce qui s’est produit, dernièrement, avec une directrice de service.

L’obligation de sécurité de l’employeur est reléguée au rang de la fantaisie légale. Tandis qu’elle devrait assoir des actions de prévention et de traitement des risques psychosociaux, elle est très simplement déniée. Et a donc pour conséquence de fragiliser la perception qu’a le travailleur social de son environnement de travail, au lieu de renforcer sa protection pour être fort d’une assise professionnelle, et dès lors prompt à la prise en charge solide des enfants, des adolescents et des familles également en souffrance.

Les déclarations de la présidente de la Sauvegarde 93 sont l’illustration concrète des rapports sociaux dégradés qui s’opèrent depuis la présidence et la direction générale, peu respectueux des mandats et du formalisme légal, peu respectueux du fonctionnement régulier des instances représentatives du personnel.

Pour cette présidence, celles et ceux qui s’expriment pour dénoncer la dégradation des conditions de travail en lien avec le management autoritaire et arbitraire, et qui n’est pas sans effets néfastes sur la santé des salariés - et par voie d’incidence, sur les accompagnements et projets pour les jeunes et les familles - ce n’est que de la diffamation, des propos inexacts, erronés, etc. Voilà toute la conception « maison » du dialogue social à la Sauvegarde 93 !

C’est aussi, hélas, une pratique manipulatoire habituelle : celle du renversement de la charge sur le travailleur pour signifier que si le système se porte mal, il n’est en rien dû à la responsabilité de la gouvernance et du management. Elle devient la responsabilité du salarié, pour ainsi dévier toute prise en charge réelle et concrète des risques psychosociaux, pour ainsi dévier les obligations légales qui incombent à l’employeur. Hop ! Le tour de passe-passe…

Mais là, ce n’est tout bonnement plus entendable, ni même acceptable. Trop de services fonctionnent en mode dégradé. Les éducateurs spécialisés, formés et expérimentés démissionnent, écœurés et déprimés.

Mais pour la présidente, il faut soumettre, coûte que coûte. Même si de trop nombreux collègues, à qui ils tenaient de mener à bien les missions confiées, partent le cœur lourd. Ils sont remplacés par des salariés jeunes, moins expérimentés et trop souvent pas formés. La belle affaire pour un recrutement à la logique gestionnaire comptable...

Alors oui, nous étions 8 salariés au premier rassemblement, et 80 au troisième. Et nous serons plus encore la prochaine fois. A l’unisson, nous le clamons haut et fort : cela suffit avec ce système de gouvernance délétère, nous n’allons pas bien dans certains services !

Et en fait, quel pourrait être le rôle de nos instances dirigeantes ? Peut-être avant toute chose, celui de l’écoute, du dialogue, puis de l’enquête, celui d’un état des lieux pour enfin poser des solutions concrètes, en lieu et place des sanctions, des intimidations et des menaces ?

Et que dire du déversement malveillant et de l’absence d’éthique à mon endroit lorsque la présidente n’hésite pas à communiquer à la presse des éléments de mon dossier personnel ? Eh bien en soi, cela en dit long sur la gouvernance en cours à la Sauvegarde 93…

Par ailleurs, je note qu’il y a peu d’embarras pour la matérialité des faits qui sont pourtant têtus en la matière. Tout d’abord, l’inexactitude : étant le responsable légal des rassemblements devant la Sauvegarde 93, étant délégué syndical, membre élu au CSEE et CSEC, ayant appelé avec mes camarades de la CGT à la manifestation, nul besoin d’autre mandat pour parler au nom de ma représentativité à plusieurs titres. Ensuite, la diffamation. Me prêtant que le droit d’alerte que je porte est pour moi-même, alors qu’il concerne 3 salariés en souffrance d’un même service, dont notamment 2 qui portent, entre autres, des accusations d’agression contre leur directeur. Bref, droit d’alerte que je porte, avec l’avocat de mon organisation syndicale FO, au tribunal des Prud’hommes ce 15 avril. Puis, le registre de la malveillance. La présidente communique des informations à la presse sur mon statut de salarié quant à deux sanctions disciplinaires émises il y a peu, pour me décourager à porter et défendre l’intérêt des salariés. Dont l’une des sanctions est en lien avec mon état de santé. Bref, il est entendu que je me réserve le droit, quand cela me sera permis, de porter plainte pour diffamation

Pour conclure, il me semble bien qu’il est question, au final ici, d’une instance à la tête d’une grande association à vocations sociale, humaine et éducative…

Farid Bennaï
Educateur spécialisé, délégué syndical de Force ouvrière à la Sauvegarde 93