N° 1322 | Le 6 septembre 2022 | Critiques de livres (accès libre)

La vision des inclus. Ethnographie d’un dispositif ULIS

Godefroy Lansade


Éd. INSHEA & Champ Social, 2021, (377 p. – 18 €) | Commander ce livre

Thèmes : Exclusion, école inclusive

De la théorie à la réalité

Le nouveau référentiel destiné à accélérer la déségrégation scolaire a fait le choix de l’inclusion (l’institution devant s’adapter à la diversité des besoins éducatifs, en mettant en œuvre une différenciation pédagogique) et non de l’intégration (qui attend des élèves des efforts pour s’adapter aux manières d’enseigner, aux programmes et aux évaluations communs à tous). Cette monographie portant sur les unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS) en collège et lycée nous permet de constater comment cela se concrétise sur le terrain. Les constats ne sont guère encourageants. La demande excédant l’offre, le décalage s’impose entre le droit (notification de la MDPH) et les faits (possibilité de scolarisation), poussant à la déscolarisation de certains élèves différents. Le manque de places induit un tri, lors de l’orientation vers l’école inclusive ou les établissements médico-sociaux. La sélection cible les plus aptes susceptibles d’obtenir leur CAP, pour ne pas nuire au classement de l’établissement en matière de réussite aux examens. Le projet professionnel se réduit au possible et au souhaitable, c’est-à-dire vers les faibles qualifications. Les préjugés et les stéréotypes plongeant les enseignants dans un profond trouble ainsi que l’absence de formation spécifique réduisent à portion congrue l’application d’une quelconque pédagogie différenciée. Les cours magistraux fondés sur le triptyque leçon/ révision/évaluation qui bénéficient de peu d’étayages peuvent difficilement adopter les petits groupes et la pédagogie de la réussite adaptés aux élèves à besoins particuliers. La discontinuité de la présence des élèves partageant leur temps scolaire entre les regroupements ULIS et leur classe de référence confronte à une impossible ubiquité. Ce sentiment de double appartenance lié à l’alternance absence/présence est synonyme d’affiliation jamais achevée. Les élèves des autres classes réagissent soit par une distanciation défiante, voire moqueuse face à une interaction jugée problématique ou menaçante, soit par une proximité compassionnelle potentiellement infantilisante et condescendante. Dans de telles conditions, l’efficience des ULIS tient plus à la capacité d’adaptation de leurs élèves, qu’à l’ajustement d’une institution qui n’a jamais accompagné l’inclusion de la moindre réflexion sur les conditions pédagogiques de sa réussite, laissées à la charge des enseignants.

Jacques Trémintin


Dans le même numéro

Critiques de livres

Sylviane Corbion

L’école inclusive

Sandrine Amaré et Philippe Martin-Noureux

Enseignants et éducateurs face au handicap