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27 mars 2023

🎥 CINÉ • La chasse à l’enfant

Maison d’éducation surveillée vue depuis le port de Belle-Île-en-Mer

Au siècle dernier, Belle-Île-en-Mer fabriquait un des pires bagnes d’enfants, dit « colonie agricole ». Sévices, rébellion, scandale. Entre autres témoignages, un film — malheureusement inachevé — évoque ces balbutiements sombres de l’éducation spécialisée.

Dortoir à la maison d’Éducation surveillée à Belle-Île-en-Mer

À l’été 1934, suite à d’un trop-plein de sévices de la part des surveillants, les petits bagnards de la colonie pénitentiaire de Belle-Île s’échappent dans la lande. C’est alors la chasse à l’enfant, avec l’aide de certains résidents (il y a vingt francs par tête à gagner). Jacques Prévert, présent sur l’île, en fera une chanson, qui sera popularisée par la chanteuse Marianne Oswald quelques mois plus tard : « Bandits ! voyous ! voleurs ! chenapans ! C’est la meute des honnêtes gens qui fait la chasse à l’enfant ».

Repas du personnel à la maison d’Éducation surveillée à Belle-Île-en-Mer

Droits de l’enfant
À l’initiative d’Alexis Danan, grand reporter à Paris-Soir (qui tire à un million d’exemplaires !), une campagne de presse est lancée. Danan publie un premier article, Enfants martyrs en uniforme, qui fera grand bruit. Devant l’efficacité des dénonciations et des manifestations, certains établissements sont fermés. Mais la réforme reste globalement vœu pieux : en 1967, quatre-vingts jeunes étaient encore enfermés à la colonie de Belle-Île, qui ne sera définitivement fermée que le 1er septembre 1977.

Déplacement vers le jardin potager de la maison d’Éducation surveillée à Belle-Île-en-Mer

Tandem prestigieux
Jacques Prévert écrit après-guerre une fiction intitulée L’île aux enfants perdus, et sollicite Marcel Carné, avec qui il fonctionne bien (en témoignent les inoubliables Les Enfants du Paradis ou Les Visiteurs du soir). Un autre titre, La Fleur de l’âge, est retenu et déposé en 1947. Les acteurs sont choisis, dont la toute jeune Anouk Aimée. Le scénario est peaufiné. Tout le monde y croit encore.

Lavoir de la maison d’Éducation surveillée à Belle-Île-en-Mer

Scénario tragique
La trame : une jeune fille de la bourgeoisie s’ennuie sur son yacht en compagnie d’autres oisifs et s’éprend d’un petit bagnard de la colonie pénitentiaire ; il y aura évasion, chasse à l’enfant, suicide d’adolescent : « tu parles d’une vacherie… Même pas le temps de vivre, et il est déjà mort… ». Au moment où l’enfance, l’adolescence sont particulièrement porteuses d’avenir, à la sortie de la guerre, les colonies pénitentiaires n’ont plus guère le vent en poupe.

Ferblanterie de la maison d’Éducation surveillée à Belle-Île-en-Mer

Un tournage infernal
Les obstacles s’accumulent : opposition de l’administration pénitentiaire et essais de censure, temps inadéquat, conflits, problèmes avec le yacht loué, acteurs en grève (à l’initiative de Reggiani, dont le cachet était quatre fois moindre que celui d’Arletty), noyade d’un figurant, explosion du budget et, pour finir, détérioration des relations Carné / Prévert… Le film ne se tournera que pour moitié, et seulement une vingtaine de minutes auraient bénéficié du montage… Aujourd’hui, ne reste plus aucune image en mouvement, mais des clichés de tournage… et des souvenirs.

Joël Plantet

Pupille regardant par une fenêtre pourvue de barreaux

La fleur de l’âge

Film inachevé de Marcel Carné (1947) sur un scénario de Jacques Prévert. Avec Serge Reggiani (Petit Louis), Anouk Aimée (Barbara), Arletty (Florence), Martine Carol (Bobette minou), Paul Meurisse (Monsieur Garnier).

• Voir sur le lien vimeo.com/809520628

• Mot de passe : cineclub - (merci Philippe Meirieu)

Prétoire de la maison d’Éducation surveillée à Belle-Île-en-Mer

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