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3 janvier 2023

🎥 CINÉ • La chasse à l’autre

Dans un western enneigé qui tourne vite au thriller, un homme décide d’aider une femme afghane à passer la frontière. Il ne sait pas encore à quoi il s’expose.

©Les Films Velvet - Baxter Films - Pierre Maïllis-Laval

Après une de ces terribles épreuves dont la vie a le secret, Samuel, en arrêt de travail, a besoin de remettre de l’ordre dans sa vie et aussi dans son chalet, situé au cœur des Alpes italiennes. Une nuit, une femme débarque, pourchassée. Migrante. Réfugiée, ou pas encore vraiment. Il « ne veut pas d’ennuis » mais, devant sa détresse, décide de l’aider à gagner la France.

©Les Films Velvet - Baxter Films - Pierre Maïllis-Laval

Improbable binôme
Chehreh a été prof à Kabul. Son mari, Ali, interprète, a travaillé pour l’armée française. Bonne raison, au départ de celle-ci sans considération pour ceux qui l’ont aidée, pour être désigné comme traître à la vindicte mortelle des talibans. Les conjoints se sont perdus de vue en Grèce. Elle porte avec elle les clés de leur maison (« il est avec moi, comme ça »). Depuis, elle survit ; Samuel aussi, ours blessé, survit — mal — à son propre malheur. Tous deux vont devoir affronter une autre survie.

©Les Films Velvet - Baxter Films - Noé Bach

La traque
Ils ont pourtant une bonne gueule, sur leur puissant scooter des neiges, ces trois jeunes identitaires. Leur apparence, loin des sinistres skinheads auxquels on pourrait s’attendre, est celle de jeunes gens bien comme il faut, à l’image du selfie du jeune couple de Génération identitaire auquel le cinéaste se réfère : elle, maquillée, en doudoune rose, lui gentiment banal. Et pourtant… Leur férocité, leur violence, leur haine de l’étranger va vite devenir sauvage, paroxystique.

©Les Films Velvet - Baxter Films - Noé Bach

Refus de l’autre
« On t’a filmé. Tu sais combien y en a, tu vas tous les faire passer ? ». Il n’y aura pas d’autre avertissement. Ils surgissent de la nuit, et la terreur avec, dans des paysages immaculés, chassent, menacent, brûlent, frappent. Capables de tout pour dénier à l’autre son statut d’être humain. Alors les corps traqués, épuisés, enlacés parfois, marchent, marchent dans la ouate blanche jusqu’aux genoux, s’évanouissent, tombent, repartent, tentent de survivre. Douleur à l’état pur. Découverte horrifiante, un cadavre dans la neige.

Frontière solidaire
Les frontières ont quelque chose d’implacable, et entre mille autres, la transalpine. Images bruyantes de fouilles, de chiens, de brutalités, de fuite, de cris de détresse, de hurlements, chapeautées par les drones de surveillance et les hélicos… Mue par ses gendarmes et policiers, indifférente au variations géopolitiques de la planète, la machine administrative broie, refoule, exclue. Mais, même en-dehors de la radicalité des No borders (dont il fait état dans le film), d’autres êtres humains se mobilisent, accueillent, soignent les pieds gelés, aident au départ. Samuel, à la fin de son parcours d’enfer, y trouvera un peu de paix.

Justice pour les migrants
Intime et politique, ces Survivants nous disent quelque chose des peurs et des radicalités actuelles, de l’incommensurable injustice — violence — faite à ces exilés politiques, dont la traduction, en termes ici de chasse à l’homme, déploie volontairement toute son effroyable dimension. Un récit choc, probablement loin encore d’égaler la réalité de terrain.

Joël Plantet

Les Survivants Un film de Guillaume Renusson. 94 minutes. Avec Denis Ménochet (Samuel), Zar Amir Ebrahimi (Chehreh). Sortie 4 janvier 2023 - À noter que le film sera accessible en audiodescription complète dès sa sortie en salles

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