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► C’est quoi le problème ? Par Mélodie • Errare humanum est, perseverare diabolicum

Elle s’appelle Marion Gordon. Elle habite à St Hippocrate-sur-Kos, rue Ernest Geignard. Mais oui, c’est une joke – un nom et une adresse pareils ! Ce qui n’est pas une blague, c’est l’enchaînement des déboires de cette femme – que je nommerai donc Marion – et qui s’est retrouvée clouée au fond de son lit. Elle téléphone à sa rhumato, Dominique Cognée – paradoxe linguistique réjouissant –, car elle la suit depuis vingt ans à l’hôpital Ste Sophie. Mystérieusement, cette fois, elle fait la sourde oreille aux lamentations de Marion et refuse de lui prescrire des radios, jugeant qu’elle n’a rien de plus que d’habitude... De Lamaline en Tramadol, Marion trimballe sa douleur pendant trois mois et se coltine l’insoutenable dépendance à la blouse immaculée de sa toubib adorée – laquelle abuse de sa faiblesse momentanée. Sa résistance a fini par lâcher. La douleur broyant aussi son esprit, la voilà hospitalisée en urgence. Sacrée Cognée qui ne voit rien de spécial sur la radio – finalement prescrite. Pourtant, un petit interne ‒ Frédérique Sage ‒ plus pointilleux, fouille attentivement le cliché et découvre une vertèbre fracturée – ou Cognée ne l’a pas regardé (trop sûre d’elle) ou elle doit passer voir son ophtalmo au plus vite ! Quel soulagement pour Marion de mettre un nom sur ses souffrances ! Cher futur docteur Sage, interne tatillon, superhéros en lutte contre le monde inhospitalier : merci. Depuis le bon diagnostic, Cognée évite Marion consciencieusement. A-t-elle honte, va-t-elle lui présenter des excuses ? Pas du tout ! Sa persistance à ne pas reconnaître sa bourde ‒ à prôner les protocoles pour assurer sa défense ‒ frappe alors doublement Marion. Une blouse – pas si blanche que ça – les sépare. Quand Marion ose demander un temps de réflexion avant de prendre le traitement proposé – il est bourré d’effets secondaires son traitement à deux balles, elle est en droit d’y regarder à deux fois, non ? –, elle reçoit un soufflet de mépris en retour. Sa rhumato signe son droit de sortie sans préambule, sans soins, avec un arrêt de travail pour trois semaines pour lombalgie ! Si, si, elle s’obstine et ment, ça égratigne sa susceptibilité d’endosser un soupçon d’humilité. Elle en oublie sa fonction d’accompagnante. L’erreur est humaine, mais qu’en est-il de l’incapacité à la reconnaître ? Entre le pouvoir et la dépendance, le dialogue est torpillé. Ce sont deux mondes parallèles aux langages étrangers. Son nouveau rhumato est bilingue. Chouette ! Il lui prescrit un corset qui la tient bien droite et absorbe ses séquelles douloureuses. Elle retrouve la pêche, allume son ordi et envoie un long courrier aux Présidents de l’hôpital Ste Sophie, pour relater son parcours de combattante. La foudre des représailles débarque dans sa boîte quelques jours plus tard. Les médecins se serrent les coudes, leur Ordre s’en mêle, protège Cognée et édifie un mur d’arrogance – y’a des limites à ne pas franchir, quand même. Non mais oh, elle se prend pour qui l’autre malade, elle va arrêter ses jérémiades ? Ladite Cognée se fend d’une lettre futile qui corrobore sa posture inébranlable. Mais à quoi sert la Charte de la personne hospitalisée « qui en jette » à tous les étages de l’hôpital ? C’est le problème de la poudre aux yeux, ça brouille la vue. Je renommerais bien le serment des médecins Hypocrite, mais ce ne serait pas juste pour ceux qui exercent ce métier avec honneur et probité. Marion va mieux. Elle m’a confié en clignant de l’œil – repensant à son ex-rhumato – : « quelle triste vie que la sienne, elle se trimbale un sacré fardeau ! Faut qu’elle fasse gaffe à son dos ! »



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