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7 mars 2023

🎥 CINÉ • Complexité de la violence

Une famille se délite ; la fille aînée entretient une relation complexe, complice et violente avec son père. Au-delà de la rage, des cris, des coups parfois, perce l’amour. Troublant.

Symptôme du malaise et du conflit familial, le chat pisse partout dans l’appartement. Les parents sont fraîchement séparés de manière houleuse, le logement est en travaux, les deux filles du couple cherchent à surnager. Éva, adolescente de seize ans, jouant habilement de la situation, parle de vivre avec son père.

Paternité immature

Ce père est poète, fragile, mal défini socialement, et se laisse facilement déborder par sa propre violence. Défaillant, et plein de tendresse maladroite dans son t-shirt siglé Iron Maiden. Angoissé, aussi : cette tâche sur la langue, un aphte, ou un cancer ? Avec sa fille, dans les moments de grâce, ils aiment déchiffrer les graffitis d’amour sur les murs. Impulsive, Éva lui ressemble et sa mère, Anca, ex-danseuse, n’en peut plus : « elle est invivable, comme possédée par le même démon ».

Violence partout

« Tu veux la guerre ? » La violence est dans les relations — dès que le père a un comportement violent, la petite sœur fait pipi sur elle —, sur la route (même si Éva est à la place du mort), dans les homélies des évangélistes, dans un tatouage 666 sur les seins ou des dents volontairement noircies. Dans les fêtes, où coke et autres substances destructrices sont là, et où l’adolescente entend tout essayer. Chez la mère aussi, qui rappelle à sa fille aînée leur pacte de non-violence à la maison, mais qui craque en évoquant d’y mettre le feu. Et dans la défloration de la jeune fille, même si les sentiments sont mitigés.

Poésie

Venant du Costa-Rica, la cinéaste s’étonne du « respect funèbre » que les Européens réservent à la poésie, alors qu’elle la décrit comme « caractéristique de l’identité costaricienne ». Elle la met dans son film : « j’ai des rêves électriques / Où mon père, quand il ne peut pas réparer quelque chose / L’écrase par terre / La rage qui nous traverse ne nous appartient pas… ». Le chat lui-même, personnage non négligeable, porte le nom d’un poète jamaïcain. Et les ateliers poésie, peut-être, évitent le pire.

Le bien, le mal, et…

À partir d’un sujet universel — la violence —, la réalisatrice explore le côté sombre de certaines relations affectives, l’adrénaline de la violence et ses effets, le désir sexuel « mystérieux et instable » et même la différence, pas toujours parfaitement claire selon elle, entre situation de consentement et d’abus. Terrain ultra-sensible, finement traité, sans victimisation aucune, sans complaisance. « Il y a dans le désir des parts d’ombre qui nous dépassent » observe la cinéaste. L’exploration est réussie.

Joël Plantet

Tengo sueños electricos [j’ai des rêves électriques]

Un film de Valentina Maurel. 103 mn.

Avec Daniela Marin Navarro (Eva), Reinaldo Amien Gutiérrez (Martin), Vivian Rodriguez Barquero (Anca), Adriana Castro Garcia (Sol).

Sortie 8 mars.

Bande annonce

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