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🎥 CINÉ ‱ Belles personnes

En deux contes d’une dĂ©licatesse et d’une musicalitĂ© Ă©tonnantes, un cinĂ©aste ouest-africain rend hommage Ă  la vulnĂ©rabilitĂ© et Ă  l’intelligence de l’homme (femme) modeste en face de l’argent, de l’administration, de la violence.


Dans le capharnaĂŒm des rues sĂ©nĂ©galaises, Marigo s’agite. Il vient de se faire piquer sa congoma, prĂ©cieux instrument de musique, pour cause de dĂ©faut de paiement de loyer, par sa propriĂ©taire, haute en couleurs et en imprĂ©cations. Don Quichotte dĂ©gingandĂ© et fantasque, tel un Jacques Tati africain, archĂ©type des gens modestes honorĂ©s ici par le cinĂ©aste, grand seigneur au sourire d’ange, souvent les quatre fers en l’air, le jeune homme trimballe partout sa poĂ©sie.





GĂ©rer l’impensable

Entre les zĂ©bus et les charrettes, entre les appels lancinants des muezzins auxquels rĂ©pondent parfois un saxo de rue, au moment de la dĂ©valuation du franc CFA qui va bouleverser le pays au siĂšcle dernier, le jeune adulte va devoir gĂ©rer l’impensable : son billet, le n° 555, ne vient-il pas de gagner Ă  la loterie nationale ? Pleines d’humanitĂ©, de musique et de naĂŻvetĂ©, ses aventures picaresques renvoient constamment Ă  la condition de ces personnes humbles pour qui, selon le rĂ©alisateur, « le lever du jour est le mĂȘme point d’interrogation ».



Franchise et justice

Le Franc reprĂ©sente bien Ă©videmment la monnaie, Ă  gagner ou
 Ă  voler pour survivre, mais aussi la qualitĂ© d’un homme pur, celui qui, ici, vĂ©nĂšre un hĂ©ros dont il caresse la photo, un « Robin des bois Ă  nous ». La qualitĂ© — d’image, de bande-son, d’écriture — du moyen-mĂ©trage participe Ă  la puissance de l’hommage.



Handicap partout

Dans le second opus comme dans le premier, le handicap est omniprĂ©sent : corps abimĂ©s, prothĂšses diverses et fauteuils pour celles et ceux qui en ont les moyens, infirmitĂ©s de tous ordres
 Une jeune fille — dotĂ©e d’une prothĂšse Ă  la jambe —, plutĂŽt que de mendier pour survivre, parvient Ă  vendre le journal Le Soleil, activitĂ© jusqu’ici rĂ©servĂ©e aux garçons. Les messages du rĂ©alisateur sont d’ailleurs sans ambigĂŒitĂ©, qu’on peut lire au dos du t-shirt d’un jeune homme : « Pour une scolarisation massive des filles ».




Vendre le Soleil

« Hymne au courage des enfants des rues », confirme le rĂ©alisateur : la trĂšs jeune fille affronte la violence de la rue, la question du territoire et de ses bandes, la police
 Dans un contexte de 2Ăšme dĂ©valuation du franc CFA, elle vend son canard, envers et contre tous. Prend le temps de dĂ©fendre une femme injustement soupçonnĂ©e de vol et qui en perd la tĂȘte.



BĂ©quille Ă  l’eau

Une de ses prĂ©cieuses bĂ©quilles est jetĂ©e Ă  l’eau par des vendeurs rivaux. Elle-mĂȘme sera molestĂ©e. Ce sera l’occasion d’une belle rencontre avec un jeune homme : « le premier qui respire ce conte ira au paradis », affirme-t-elle, forte des histoires que lui a transmis sa grand-mĂšre. En effet, au son d’une musique africaine, dont des chants traditionnels religieux de toute beautĂ©, les destins commencent Ă  s’inverser.

Joël Plantet



Histoires de petites gens
Deux films — rĂ©cemment restaurĂ©s — de Djibril Diop Mambety : Le Franc (1994, 44 mn) et La Petite vendeuse de Soleil (1999, 45 mn).


  • Avec, pour Le Franc : Dieye Ma Dieye (Marigo), Aminta Fall (la logeuse), Dembe BĂą (le vendeur de billets de loterie) ;
  • Pour La petite vendeuse de Soleil : Lisa Balera (Sili Laam), Taerou M’Baye (Babou Seck), Oumou Samb (la femme arrĂȘtĂ©e), Moussa Balde (le jeune homme en fauteuil roulant).

Sortie 6 juillet 2022.

Histoires de petites gens - Film-annonce from JHR Films on Vimeo.