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► LE BILLET de Vince • Manque d’inspi

J’en suis à mon vingt-huitième article pour Lien Social et, pour la première fois, je manque d’inspiration. Devrais-je m’inquiéter ? Jusqu’alors, j’ai effectivement toujours trouvé sujet à laisser filer ma plume. Étrange ce sentiment face à la page blanche. Comment interpréter cette panne ? J’ose à peine envisager un parallèle avec l’état du travail social ou avec notre rapport au travail qui s’est dramatiquement transformé depuis plusieurs années.
Découragement, épuisement, lassitude, impuissance… J’ai vu tellement de collègues tomber ! Pourquoi serais-je plus fort qu’eux ? Non, non. Aucune raison. Je subis de la même manière les politiques d’austérité qui nous assignent désormais à des pratiques où règnent la frustration et la colère.
Cependant, une nouvelle fois, je couche quelques mots sur le papier, inexorablement poussé par une énergie insoupçonnée, un élan vers une quête de sens.
J’ai obtenu mon diplôme d’éducateur spécialisé en 1998. A l’époque, on ne doutait guère du fait de pouvoir « faire carrière » dans le social. Les situations vécues sur le terrain n’étaient pas moins compliquées qu’aujourd’hui, mais nous pouvions compter sur un système où l’humain figurait encore au cœur des projets associatifs.
Aujourd’hui, au sein même des organismes de formation, on entend des phrases du genre : « de toute façon vous ne ferez sans doute pas ce travail toute votre vie ». Pourquoi donc inculque-t-on cette triste fatalité, dès les premières expériences professionnelles ? Quel sombre dessein que celui d’un accompagnement vers un dégoût programmé !
A travers ces quelques lignes, j’ai juste envie de m’adresser aux étudiants d’aujourd’hui. Ne laissez jamais cette morosité vous gagner au prétexte qu’elle vous gagnerait un jour. Gardez vos espoirs, vos illusions, vos rêves, vos aspirations. Et transformez-les en outils de résistance. Il ne s’agit pas d’être dupes ou naïfs au point de croire que tout va bien.
Non c’est vrai, c’est grave la merde, d’ailleurs. Il faut bien l’admettre. Les politiques publiques sont maltraitantes, les institutions centrées sur leurs objectifs de survie libérale, les managements agressifs, les collègues épuisés, les outils sacrifiés… Oui le naufrage n’est pas loin. Et c’est justement parce que le bateau coule que nous avons plus que jamais besoin de vos forces pour écoper.
Non seulement il faut vider les cales inondées, mais il est grand temps d’organiser une mutinerie ! Les capitaines qui nous conduisent sur les récifs de la rentabilité doivent être jetés par-dessus bord ! Ne vous résignez pas à être les galériens de demain. Éveillez votre esprit critique. Appuyez-vous sur l’expérience des anciens pirates encore combatifs. Ne laissez personne vous condamner à un avenir incertain.
Nos métiers sont, sans doute, parmi les plus beaux et les plus nobles. Restez-en convaincus, aussi douloureuses que soient vos expériences de stages. Le travail social de demain c’est vous. Vous ne comptez tout de même pas courir vers votre première ordonnance de Xanax aussi facilement ! Hein ?



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- Numéro spécial n°1320-21 : Souffrance dans le travail social • Plonger ou rebondir ?
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