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► C’est quoi le problème ? Par Mélodie • La file

Deux heures trente pour accéder au hall du centre des impôts, ça laisse le temps d’entendre ce qui se passe dans une file !
Les contribuables ‒ qui m’entourent ‒ m’aident à patienter sans trop m’ennuyer bien que leurs propos soient des plus insipides, voire intolérables ! Le temps qu’il fait, la longueur qu’il reste à parcourir avant d’être à l’intérieur, la critique impromptue des resquilleurs. En effet une personne très handicapée en fauteuil ‒ suivie d’une maman avec des jumeaux en poussette et de deux personnes très âgées ‒ remontent le cortège sur notre gauche et j’entends : ce n’est pas parce qu’ils boitent, qu’ils ont trois jambes, une poussette ou un fauteuil qu’ils doivent griller des places, ils se croient où ? Ah, si on était en Allemagne ça ne se passerait pas comme ça... Les Allemands, voilà des gens respectueux et obéissants ! Faut voir comme ils ont commencé à trier les déchets bien avant nous... J’évite une émeute en taisant mes pensées réactives tout en regardant ailleurs ‒ plutôt les yeux rivés vers le ciel couvert et très tourmenté. C’est sûr, leurs concitoyens nazis ont bien su faire le tri dans les années quarante, ils étaient plus qu’obéissants ! Et ma voisine de droite qui veut entamer la conversation en me demandant l’heure deux fois de suite à 10 minutes d’intervalle tout en m’expliquant qu’elle est veuve et que toute la paperasse accumulée complique bien sa vie ; et celle plus loin qui entrave toute rêverie en hurlant dans son téléphone que oui ils ont réservé pour 29 places, mais qu’il y a eu des désistements, et que d’accord mais dans les 29 le chauffeur était compté...et que non, elle ne sait pas s’il y a une assurance...et blablabla.... Il ne manque que le comptoir, le petit blanc qui va avec et le bar autour pour nous protéger du vent qui se lève. Vais-je tenir deux heures ? Et ça ne me barbe même pas, parfois je suis juste outrée quand certains propos implicites frôlent un racisme certain. Je préférerais d’ailleurs m’ennuyer quand des poncifs franchouillards se glissent jusqu’à mon oreille malgré mes efforts à faire la sourde. Évidemment qu’il y a du monde, ils font le pont vendredi prochain et en plus ils ferment à midi, ah ces fonctionnaires... (sous-entendu ils n’en « foutent » pas une !) Comme si dès la porte de l’accueil fermée, ils rentraient chez eux ! Je prends enfin un ticket, il reste 22 personnes avant moi. Je surprends ma petite veuve Amirinte en plein marivaudage avec son voisin de chaise que je surnomme illico Dorante. Il la fait tellement rire qu’elle ne se préoccupe plus du temps qui ne passe pas. Je la soupçonne de rêver qu’il s’arrête (le temps) pour savourer les plaisirs du badinage. Cet instant est tellement croustillant que je manque de louper mon tour.
Et c’est le sourire aux lèvres que je rejoins le guichet et son préposé bienveillant. Ouf ! Une matinée longue, certes, mais son épilogue mérite les accrocs du trajet.


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