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► C’est quoi le problème ? Par Mélodie • L’accident

La dissonance, entre son apparence et le vide sidéral, qui l’habitait depuis l’accident, n’échappait à personne.
Hébétée, elle errait, le long de la voie ferrée, chaque nuit en tenue éthérée, comme si elles allaient ressurgir, au détour d’une haie ou d’un quelconque fourré.
Le visage creusé, les cernes noirs qui croquaient son visage, les larmes ruisselantes et intarissables, la silhouette fantomatique et obstinée étaient tout ce que l’on percevait de Marion. Dedans, un creux, une cavité sans fond, un puits asséché, le néant !
Un abruti avait déboulé de nulle part, avait grillé le stop et sa vie était partie en fracas, en bruit de tôles désarticulées, en vitres explosées, en tourbillon dans le champ de tournesols ‒ les têtes balayant l’habitacle comme des pantins abandonnés par leur marionnettiste.
Les cris extérieurs l’avaient réveillée de sa torpeur. Elle avait détaché sa ceinture, poussé la portière et s’était extirpée du véhicule. À part son esprit qui avait déserté, elle n’avait pas de séquelles corporelles ; mais ses petites, à l’arrière ?... Marion s’était jetée sur la porte, s’était accrochée à la poignée et avait tiré de toutes ses forces, sans succès. Elle s’était effondrée. Certains badauds détournaient les yeux devant la scène insoutenable, d’autres s’agenouillaient près de la femme et l’enveloppaient, comme ils pouvaient, de bras, de couvertures et de tendresse.
Les pompiers avaient eu du mal à sortir les corps cabossés, avant de déguerpir vers l’hôpital le plus proche, toutes sirènes hurlantes.
Elles avaient survécu, oui, mais plus rien n’avait été comme avant. Des fauteuils, des attelles, des corsets, des nuits blanches, des sons étranges troqués contre leurs premiers mots et cette porte qui claquait le soir pour fuir la réalité qui écorchait et qui hurlait que : plus jamais, non, plus jamais la vie n’enchanterait, plus jamais, plus jamais...c’est ça qui tournait en boucle, qui l’assourdissait, qui l’aveuglait et égarait son corps déambulant.
Un soir, elle n’était pas rentrée ; on l’avait retrouvée dans un champ de lupins. Vidée de son âme, son corps s’était perdu en chemin et dans un ultime souffle, elle murmurait « Je veux mes jumelles, je veux revoir mes jumelles, celles d’avant ».
Elle était morte de désespoir.
Un homme n’avait pas respecté un stop, un soir de beuverie !