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► C’est quoi le problème ? Par Mélodie • Dommage (s) !

J’ai été la femme “de” pendant quelques années au fin fond d’un petit village.
Je n’étais pas malheureuse, mais il me manquait quelque chose.
J’ai changé de cap. Je n’avais pas trop d’idées. Mon marmot sous le bras, j’ai rejoint la ville et me suis attelée à trouver un job, n’importe lequel, pour ressentir cette sensation inconnue, celle de voler de mes propres ailes.
C’était il y a longtemps, il suffisait alors de frapper à la première porte pour décrocher un boulot. Je ne savais pas trop ce qui m’intéressait, personne ne m’avait jamais posé la question, j’étais une fille et les filles... elles se mariaient un point c’est tout ! Les garçons avaient la chance de faire des études. Je n’y ai pas eu droit. Pourtant j’aurais adoré apprendre. Après quelques mois derrière un standard, j’ai débarqué dans une institution pleine d’ados en mal de devenir. Sans trop savoir comment, portée par mon désir et mon bonheur de vivre, je les ai embarqués dans des expos, en rando, au théâtre et même au ciné pour voir Godard ! J’en ai perdu quelques-uns qui ronchonnaient, mais pas tant que ça non plus ! Je crois que je les déroutais un peu. Je me souviens, lors d’une balade en montagne, ils ont débranché des fils dans le moteur du minibus. Je n’ai pas pu démarrer et j’ai vite compris qu’ils y étaient pour quelque chose ! J’ai éclaté de rire ! Pourquoi m’énerver ? On était tous dans la même galère, s’ils ne remettaient pas les fils, on restait coincés ensemble en pleine forêt. Ben, ils ont rebranché les fils et ils m’ont dit que je n’étais pas comme les autres ! J’ai supposé que d’autres se seraient énervés ! Pendant ce temps les chefs de service m’observaient et à la fin du mois ils m’ont proposé un poste en CDI pour la rentrée suivante. Je n’avais ni diplôme ni expérience, donc pas assez d’atouts en poche pour mener cette mission dans de bonnes conditions.
Cette petite expérience d’un mois a déclenché ma passion. Ce job me donnait envie de me lever le matin. J’ai fait mes études en cours d’emploi. J’alternais théorie et pratique. J’ai été portée par des directions, des psychologues et des collègues. J’ai rencontré des familles et des enfants qui ont bouleversé mon chemin de vie et sans lesquels je serais autre. Quand je revisite mon trajet professionnel, je n’ai pas de regret. Malheureusement être éducateur, ce n’est pas le même métier selon l’époque où on l’exerce !
Les derniers échos du terrain me désolent ou me font hurler. Comment font les nouveaux accompagnants encadrés par des directeurs-managers-gestionnaires qui prônent la distance relationnelle, proscrivent la passion, le plaisir et les liens singuliers ? Ils changent le personnel de place à tout bout de champ sans s’interroger sur la qualité des relations et le sens du travail. Ils ne font pas confiance aux équipes et n’ont que le mot budget à la bouche. Non, très peu pour moi, je ne pourrais plus être éducatrice dans ce monde-là. Les cabossés de la vie de toutes les époques ont besoin de se désaltérer en dégustant un délicat cocktail composé de plus de douceur que d’amertume : des regards singuliers, des sentiments, des émotions, de la confiance, des liens solides, de la passion, de la créativité, de la pensée et surtout une analyse régulière de la pratique.
Je crois que ça pêche aussi de ce côté-là. Adieu la réflexion, bonjour le coaching et les grilles d’évaluation.


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