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■ ACTU - Roubaix : Un centre social à l’épreuve du feu

Dans la nuit du 29 au 30 juin, le centre social des quartiers du Pile-Sainte Élisabeth à Roubaix (Nord) a été incendié au cours des révoltes urbaines, le condamnant à sa fermeture pour une durée indéterminée. Depuis, son équipe et les habitants se mobilisent pour maintenir l’activité coûte que coûte.


Des dessins ont été affichés sur la façade du centre social.
« On est là ! On reste là ! ». C’est le message que Faiza Hachi, référente familles et séniors du centre social Pile-Sainte Élisabeth, a voulu faire passer aux habitants dès le lendemain de l’incendie : « Nous avons décidé de poursuivre les actions et nous nous sommes installés devant le centre social, sur la place Carnot ». Dans un élan de solidarité, les roubaisiens et acteurs sociaux, éducatifs et culturels du territoire se sont mobilisés les jours qui ont suivi pour aider l’équipe du centre social à maintenir l’activité. « La priorité était que les jeunes ne soient pas impactés et encore plus à la veille des grandes vacances », insiste Houria Achouche, responsable des ados, première arrivée sur les lieux au moment de l’incendie.
La maison du projet ouvre ses portes pour permettre au centre social d’assurer les accueils de loisirs cet été.

« Les enfants de l’école primaire se sont rassemblés devant le centre pour affirmer leur soutien, des locaux nous sont prêtés pour accueillir les groupes et des habitants nous apportent même leur propre matériel pour les ateliers », s’enthousiasme Faiza malgré sa peine. Ce vendredi après-midi, elle anime un atelier collectif familles dans les locaux de la Maison du projet mis à disposition par la mairie de Roubaix. Une vingtaine de parents et enfants de tous âges sont au rendez-vous, toujours marqués par les événements du mois dernier. Gabrielle, 87 ans, habite le quartier depuis près de quarante ans et est impliquée comme bénévole au sein du centre social depuis sa création. Elle ne comprend toujours pas les dégradations : « C’est un lieu unique qui lutte contre tous les préjugés. Nous sommes comme une famille », insiste-t-elle, son pinceau à la main. « Casser ne résout rien. Heureusement que les activités n’ont pas été interrompues, sinon je serais restée isolée chez moi », ajoute Sabiha, 31 ans, habituée du centre social depuis son enfance. À ses côtés, Noura est plus optimiste : « Ils vont faire un centre tout neuf. Finalement, c’est peut-être un mal pour un bien ».


Gabrielle est active au sein du centre social depuis plus de trente ans.

Le désarroi de la jeunesse

Le centre social Pile-Sainte Élisabeth a été créé en 1989 et a déjà connu bien des épreuves (redressement judiciaire, dissolution du conseil d’administration, fonctionnement sans direction…). « Nous avons toujours fait face et en sortant du redressement, la volonté de poursuivre avec et pour les habitants s’est davantage renforcée et cadrée par la mise en place d’un comité d’usagers adhérents », explique Nathalie Lefebvre, directrice du centre social. Mais pour Faiza Hachi, ce nouveau « coup dur » met en exergue les difficultés de la jeunesse qui préexistent dans le quartier du Pile depuis des années. « Les jeunes ont agi par effet de groupe, ils ne réalisaient pas ce qu’ils faisaient. Beaucoup ont des vécus compliqués et des parents démunis. Ce n’est pas facile d’élever des enfants à Roubaix dans des logements souvent précaires ». Le centre social anime des ateliers de soutien à la parentalité mais manque de moyens pour faire face aux problématiques liées à la pauvreté. « Il est impératif de permettre à ces jeunes de sortir du quartier, de proposer des séjours et garantir un accès aux vacances. Les difficultés liées aux addictions des jeunes sont aussi préoccupantes », ajoute la référente familles.


Les habitants viennent apporter leur matériel personnel pour soutenir le centre social.

Un fossé entre police et population

Mina Laroussi est médiatrice bénévole auprès de l’association des jeunes du quartier des Trois-ponts à Roubaix et active au sein du centre social du Pile. La nuit de l’incendie, elle a tenté de calmer les esprits en échangeant avec les jeunes. « Je les connais depuis qu’ils sont petits, je suis restée avec eux jusqu’à 3 h du matin. Certains ont eux-mêmes éteint les incendies ». Pour la médiatrice bénévole, les raisons de la colère ne font aucun doute : « La police s’en prend constamment aux jeunes. J’en connais beaucoup qui ont été victimes de violences et d’humiliations. Même mon fils a dernièrement été tazé pendant un contrôle d’identité ».


Mina Laroussi dénonce des violences policières régulières dans le quartier du Pile, à Roubaix.
« Les jeunes ont perdu toute confiance en la police et se sentent stigmatisés. Il faut redonner le rôle premier à la police de proximité, celui de l’aide et la protection aux habitants », soutient Faiza. Pour lutter contre ce fossé entre la police et la population, des temps d’échanges entre jeunes, parents et forces de l’ordre ont été organisés au centre social. Depuis mai, une permanence mensuelle d’aide et d’information juridique est assurée au centre social par un agent de Police-Population. Mais si cette réconciliation est un défi de taille, elle l’est encore plus depuis les interventions parfois violentes dont ont été témoins les habitants durant les révoltes : « Lors du dernier atelier café sur la Place Carnot, une intervention policière et un attroupement de jeunes ont fait fondre en larmes des enfants qui étaient à la plaine de jeu ».

Les travaux de réhabilitation du centre social, qui couvre un territoire de 14 000 habitants, pourraient durer entre un et deux ans. En attendant, ils devront compter sur le soutien du tissu associatif local.

Texte et photos Jérémie Rochas

A lire :
Révoltes urbaines, la PJJ en première ligne.
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Violences urbaines, après la révolte, la peur.
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Interview de Yazid Kherfi : La répression au détriment de la prévention.
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Après la mort de Nahel, blues.
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Habitants des quartiers populaires, que valent nos vies ? Par M’Hamed Kaki, fondateur de l’association Les Oranges à Nanterre (Hauts-de-Seine)
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Il avait 17 ans
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