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■ ACTU - Des mers cimetières

La Méditerranée, la Manche, le détroit de Gibraltar… Depuis trop d’années, le monde associatif déplore l’hypocrisie d’un système qui laisse les morts s’accumuler dans les mers.


Objets abandonnés dans les dunes de la Slack (Pas-de-Calais). ©Auberge des Migrants

Fin 2021, les associations avaient encore exprimé leur colère après la mort de 27 migrants dans la Manche à la suite du naufrage de leur small boat. Elles dénonçaient un cercle vicieux, les passeurs mafieux apparaissant avec le verrouillage des frontières.


Paquebot au large de Sangatte (Pas-de-Calais). ©Auberge des Migrants

Asile, please

Le Brexit complexifie encore la situation pour ce qui concerne le passage tant convoité de France à l’Angleterre car il entraîne une sévère raréfaction des visas, alors que la demande ne cesse de croître : d’après l’ONG Refugee Council, 98 % des personnes — iraniennes, syriennes, soudanaises et irakiennes pour la grande majorité — arrivées aux Royaume-Uni avaient demandé l’asile.


Calais. ©Auberge des Migrants

Mini boat people

La situation ne cesse d’empirer : le 12 août dernier, au moins six morts et deux disparus étaient à déplorer à la suite du naufrage d’une petite embarcation surchargée au large de Sangatte (Pas-de-Calais). Le Secrétaire d’État chargé de la mer, Hervé Berville, se déplaçait pour saluer « la rapidité et l’efficacité » des moyens mis en œuvre pour secourir les victimes.


Objets abandonnés dans les dunes de la Slack. ©Auberge des Migrants

Noirs records

Pourtant, c’est bien là, entre autres, que le bât blesse. Dans les premiers semestres 2022 et 2023, selon la Préfecture maritime de la Manche, ils sont environ 18 000 migrants à tenter chaque année de traverser le détroit. Depuis 2018, ce sont plus de 100 000 migrants qui ont traversé la mer à bord de leurs « small boats ». Les records s’accumulent et se succèdent : le 22 août 2022,
1 295 personnes avaient été appréhendées, réparties en vingt-sept embar-
cations ; lundi 10 août dernier, record journalier (depuis le début de l’année) avec 756 migrants recensés comme ayant pris la mer. Et ce malgré les périls encourus. Les traversées étant tentées tous les mois de l’année.


Objets abandonnés dans les dunes de la Slack. ©Auberge des Migrants

« Bien aimable »

« Des morts qui auraient pu être évitées mille fois », s’est indignée l’association l’Auberge des Migrants. C’est bien aimable d’envoyer le « ministre de la mer » à Calais mais ce drame n’est pas un simple accident maritime, c’est la conséquence cruelle, froide et logique d’une politique migratoire inhumaine. ». En effet.
À la suite du naufrage du 12 août, deux Irakiens et deux Soudanais ont été interpellés, mis en examen pour homicides involontaires et placés en détention. On apprenait que le canot pneumatique, sans gilets de sauvetage, était trop petit pour contenir les soixante-cinq personnes de l’embarcation, et qu’il aurait subi un incident moteur à une vingtaine de km des côtes françaises. Le nombre croissant de ces petites embarcations, toujours dangereuses car sous-équipées, ne peut qu’inquiéter. Les noyades en tout cas, se succèdent, tous les ans. Selon le décompte d’une association de soutien aux exilés décédés à la frontière franco-britannique, ils seraient au moins 376 à avoir perdu la vie depuis le début du siècle.


Objets abandonnés dans les dunes de la Slack. ©Auberge des Migrants

Groupe Décès

Depuis quelques années, le Groupe Décès, qui fédère plusieurs associations, accompagne les proches des personnes décédées, cherche à faire le lien avec les autorités administratives, prépare l’inhumation ou le rapatriement des corps. « Aujourd’hui », s’inquiétait-il dans un communiqué du 13 août, « nos inquiétudes sont d’une part de savoir si les personnes qui ont été séparées lors des débarquements en France et en Angleterre vont pouvoir bénéficier d’une réunification familiale, d’autre part de savoir si les représentant.es de l’État vont enfin prendre leurs responsabilités, ce qu’ils ne font jamais lors des disparitions et des décès »

Joël Plantet


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