L’ActualitĂ© de Lien Social RSS


📝 Tranche d’éduc’ : La vie normale


Elles sont trois sƓurs.
DĂ©crites comme lisses, Ă©trangement conciliantes, joyeuses, avenantes, elles dĂ©notent dans ce service d’urgence habituĂ© Ă  recevoir des enfants apeurĂ©s, en colĂšre, violents, en rejet de cette institution qui les Ă©loignent de leur habituelle famille.
De cinq, neuf et quinze ans, elles découvrent la vie en établissement.
La derniĂšre se familiarise avec l’eau. Elle apprend Ă  prendre soin de ce corps dĂ©nuĂ© jusqu’alors de tout soins. Si douche ne rimait qu’avec mensuelle, elle apprĂ©cie aujourd’hui de se plonger quotidiennement sous ce jet trop longtemps mĂ©connu.
La cadette redĂ©couvre l’école. Ce curieux endroit qu’elle redoutait avant, accumulant les absences, devient le lieu d’épanouissement, d’apprentissage de ce nouveau monde.
La grande, pointe tendrement du doigt l’étrange comportement de la petite derniĂšre : «  Je ne l’avais jamais vu rire. »
Quarante-deux jours qu’elles vivent lĂ , dĂ©racinĂ©es brutalement de leur cocon familial, elles commencent Ă  questionner cet « ici ». Elles font des allers retours entre l’avant et le maintenant. Elles ouvrent les yeux sur leur rĂ©alitĂ© passĂ©e et celle qui s’offre aujourd’hui Ă  elles.
Si elles ne connaissaient qu’indiffĂ©rence Ă©ducative, violence verbale, coups physiques, abus sexuels, conflit parental, hurlements, alcool et dĂ©pression ; elles dĂ©couvrent maintenant comment peut ĂȘtre l’autrement.
Elles bousculent les professionnels par leur comportement si fluide, limite docile ; par leur vocabulaire, limite exaltĂ©e ; par leur autonomie maĂźtrisĂ©e et millimĂ©trĂ©e, limite inquiĂ©tante. Elles parlent en pointillĂ© de leur avant, lĂąchent quelques larmes par moment, se rĂ©fugient dans les activitĂ©s quotidiennes et le relationnel avec ces nouveaux adultes, ces inconnus devenus soudainement Ă©lĂ©ments centraux de leur vie.
Finalement, cette grande fille de quinze ans, ainĂ©e protectrice de sa fratrie, nous fait part de son ressenti : « En fait, ici c’est comme Disney ! On rit aux Ă©clats, on joue, on apprend, on aime ! Enfin j’imagine
 Je n’y suis jamais allĂ©e mais je crois que j’y serais aussi heureuse qu’ici. »
Elle dĂ©couvre la simplicitĂ© de vivre pour conclure en ces termes : « Je ne savais pas que ça existait vraiment une journĂ©e sans entendre personne crier et me taper. En fait c’est ça la vie normale ! Je ne savais pas
  »

Quand l’urgence apprend,
Ce que la vie peut ĂȘtre,
Les larmes d’avant,
Peuvent enfin disparaitre.

Quand la vie d’avant,
Ne peut plus rien promettre,
L’ici et maintenant,
Peut, lui, se le permettre.

Le normal d’un jour n’est plus celui de demain.
Et ça
 elle l’a appris aujourd’hui.