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Bois de Boulogne, Paris. Pétaradantes couleurs d’automne, majesté des arbres, douceur des lacs. Dans son cœur, des hommes et des femmes travaillent avec leurs corps : les personnes prostituées. le documentaire Au Cœur du bois leur donne la parole, les place au centre de l’image et nous amène à les écouter, enfin, en direct.

« La matière première qu’est leur parole, on ne peut pas la manipuler », explique son réalisateur Claus Drexel. En revanche, il assume un parti pris artistique affirmé et revendique prendre un grand soin de l’image. « Les filmer comme des elfes, des créatures de la forêt, ça me plaisait, d’autant que c’est déjà présent en eux et elles : ils et elles pratiquent dans leur métier un jeu de la séduction, de l’apparat ». Il a été reproché à Claus Drexel d’esthétiser la misère, notamment dans son documentaire précédent Au Bord du monde. Cette critique le révolte : « Quand on fait un film sur des gens déclassés, il s’installe souvent une logique qui voudrait que l’esthétique du film soit crue, peu travaillée ».

Dans Au Cœur du bois, pas besoin d’effets, de maquillage ou de costumes supplémentaires, les personnes sont filmées telles qu’elles sont. Pas d’angélisme non plus. Certaines racontent leur douloureux parcours de transsexuelles : rejetées en Amérique du Sud, arrivées en France sans argent et sans connaître la langue, seule issue possible : la prostitution. Et une satisfaction : « J’ai pu m’affirmer telle que je suis, une femme ». D’autres témoignent de la nécessité de se détacher de son corps : « Un, deux, trois clients, c’est comme le vélo, cela ne s’oublie pas. Je ne pense pas à l’acte, je pense à l’argent ». Pour d’autres enfin, le bois représente « un endroit de liberté ».

Toutes évoquent la difficulté du métier aujourd’hui : 2500 - 3000 francs par jour dans les années 80 à 40-50 euros désormais. La faute à la loi pénalisant les clients qu’elles dénoncent en coeur. En revanche, chacune témoigne d’un rapport différent à ce métier, même si toutes sont indépendantes. Les réseaux ne sont pas le thème du film, assume Claus Drexel qui ajoute : « d’ailleurs même la prostitution n’est pas le thème du film, c’est un film sur des êtres humains qui ont en commun de bosser au bois ».

Marianne Langlet

Au Cœur du bois, un film de Claus Drexel, 90 mn, sorti en salles le 8 décembre.