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La Fabrique de la Solidarité à Paris accueille l’exposition « Au Grand Air », Prix Caritas Photo Sociale 2021. Créé à l’initiative de Caritas France, il valorise le travail de photographes qui donnent de la visibilité à la pauvreté, à la précarité et à l’exclusion en France. Les deux lauréats, JS Saia et Victorine Alisse, proposent une discussion poétique sur le quotidien des personnes en situation de rue.

Jean-Sébastien Saia (dit JS) et Victorine ont fait connaissance en octobre 2019, au Café de l’Association La Cloche dans laquelle le premier participait en tant que personne Suisse sans domicile fixe au programme Form’action pour témoigner de son vécu dans la précarité, mais aussi pour construire un autre regard sur l’exclusion. Victorine Alisse, formée à l’action humanitaire et à l’approche documentaire dans les marges sociales, a adhéré à l’envie de « Faire comprendre ce que signifie être à la place de… », thème que lui proposait JS. Elle a aidé celui-ci à sortir de sa timidité, à s’ouvrir grâce à la photo, à laisser parler sa créativité, à faire rayonner son expression, à exister artistiquement pour d’autres. « Tu m’es apparu comme le personnage d’un film en quête de liberté ».
Comme l’explique JS, la photo n’est pas ici une « image » mais un vrai portrait, une histoire de vie, une biographie artistique singulière, un passage de lumière et de vie.
Muni d’un appareil photo chacun, le duo est parti sur la réalisation d’un projet commun qui a duré huit mois : raconter deux perceptions sur deux modes de vie différents, en parcourant les lieux de JS : au Parc de Bercy-Cour Saint-Emilion où il était arrivé en 2015 et au Bois de Vincennes où il vivait à l’époque.
Dans un premier temps, JS Saia et Victorine Alisse se sont apprivoisés. Ils ont pris des photos ensemble. Ils les ont sélectionnées puis ont écrit des textes directement sur les tirages de leurs photos préférées. Enfin, ils ont proposé leur travail à Caritas, JS Saia ayant tissé des liens étroits avec La Ville de Paris.

Au grand air

La nature, déclinée sur quatre saisons, est très présente dans cette exposition intitulée à juste titre : « Au grand Air ». Comme si elle apportait une douceur à la colère, manifestée parfois dans les textes laissés sous les photos de JS, on comprend combien les arbres qui nous dépassent et nous survivent ouvrent le champ d’une vie dehors. Sous un cliché de JS, on peut lire : « Un arbre dans le Bois de Vincennes, il est seul et beau ». On interprètera aussi cette phrase, illustrant un carrefour d’arbres : « à tout moment, dans cette vie, je peux changer de direction ». De son côté, Victorine Alisse écrit sous une photo-portrait de JS allongé, prise sur la Passerelle Simone-de Beauvoir : « Comprendre ta notion de liberté ; si c’était possible ».
Ainsi, une discussion photographique faisant découvrir une facette très poétique de ce mode de vie, explore la vraie vie qui existe dans le bois, rompant avec les préjugés posés sur les détails plaqués sur la misère. Le spectateur découvrira ainsi Sa Majesté, Momo et Antoine, ressentira visuellement la chaleur du feu de bois, rencontrera trois/quatre amis de galère, soudés et faisant bloc. L’idée de JS est de faire imaginer ce qu’il a pu vivre à certains endroits. Il laisse derrière lui ces mots : « Le bois de Vincennes est bien vide » ; « Tu as vu la maison des insectes ? À quand notre tour ? ». Sans doute le visiteur sera-t-il touché par cette présentation de deux vélo-cyclistes passant dans le Bois devant JS, avec ce commentaire : « Deux mondes qui se côtoient mais qui s’ignorent ». JS explique justement que pour lui, il faut se dire bonjour, que tout est là, dans la rue, qu’il est urgent d’enlever nos carapaces sociales et de sortir de chez nous, en toute saison.
Pour présenter ces binômes photographiques, une sélection rigoureuse et un assemblage minutieux des auteurs a permis d’arriver à ces doubles messages : picturaux et écrits. Cela offre un parcours très original et puissant pour qui sait prendre le temps de s’arrêter un moment. De vrais thèmes philosophiques donnent à penser pour construire de plus en plus, avec notre entourage, une véritable action sociale commune : « Suis-moi dans ce lien : lève la tête, tu te poseras des questions ».
Réalisée à quatre mains, cette exposition aux formes narratives nouvelles montre une réalité nuancée sur les plus vulnérables, faite de regards croisés très sensibles, loin des clichés attendus. « Bienvenue dans le salon » / « Me voilà embarquée dans cette aventure et portée par ce moment, hors du temps ».
Le jury du Prix Caritas Photo Sociale 20212021 - composé d’experts de la précarité issus du Réseau Caritas France et d’acteurs de la photographie -, a, pour cette deuxième édition, récompensé ces auteurs et choisi leur travail, pour rendre compte de la réalité que vivent les personnes dans la rue.
Une dotation de 4 000 euros, une monographie éditée par Filigranes éditions en février 2022, ont permis de faire connaitre Jean-Sébastien Saia et de lui redonner un statut. Retourné en Suisse depuis, il vit aujourd’hui en appartement.
Le livre magnifique de l’exposition, distribué sur place, peut permettre de travailler en groupes, dans des institutions scolaires sur une monographie et sur un parcours de vie héroïque, courageux, battant et volontaire.
L’exposition a déjà circulé au Château d’Eau à Toulouse, elle a manqué aux riverains d’un boulevard parisien près de la gare de Lyon où elle a été présentée sous des bâches et elle continue à vivre.

Agnès Montagne

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Jusqu’au 1er juillet - 8 rue de la Banque, 75002 Paris. Entrée libre du mardi au vendredi, de 9 h 30 à 17 h (nocturne jusqu’à 20 h mardi 31 mai, jeudi 9 juin, mardi 21 juin et jeudi 30 juin). Elle sera présente au Festival d’Avignon dans le cadre du « Festival C’est pas du Luxe », organisé par la Fondation Abbé Pierre. Cette exposition itinérante peut être commandée. Contact : nathalie.dran@wanadoo.fr