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• TERRAIN - Journal de bord - Un quotidien tricoté dans la bienveillance

Par Tristan, Educateur de Jeunes Enfants dans une MECS.
Mercredi 1er avril, 15h37
Je n’étais pas présent la première semaine de confinement. Arrêté pour cause d’asthme allergique, j’ai pu reprendre rapidement. Au départ le choc puis la culpabilité de ne pas accompagner les jeunes et les collègues et enfin l’appréhension d’aller travailler mais le sentiment d’être où je le dois.

Je retrouve une partie des jeunes qui sont restés confinés avec nous tandis que l’autre partie des jeunes sont chez leurs parents. L’étrangeté de savoir des jeunes qui nous sont confiés pour X raisons chez leurs parents à plein temps s’estompent peu à peu. Les appels et les visites se succèdent. Les parents et les jeunes jouent le jeu.

Les derniers jours sont lourds en émotions. Une mère tombe malade, elle est hospitalisée, l’inquiétude de la fratrie, palpable.
Une autre mère coincée au pays, à court de traitement, avec qui il va devenir impossible de communiquer.
Le genre de situation qui ne reste pas à sa porte d’entrée, ni lorsque vient le moment de mettre au sale tous les vêtements qui pourraient être contaminés.

Nos dix gamins de 7 à 17 ans, ces gamins-là, qu’on ne veut décidément pas voir, sont la lumière de nos journées. La peur d’aller travailler et de choper ce virus s’évanouit, chaque jour, grâce aux moments passés avec eux. Le bonheur du partage l’emporte, plus que jamais, sur tout le reste. Ils sont courageux. Ils font chacun des efforts pour faciliter l’entretien de la maison et la vie du groupe.

Nous passons du temps à table, comme ces longs repas familiaux qui s’éternisent. Mais, cette fois sans oncle un peu gênant. Nous enchaînons avec le travail. La scolarité devient difficile pour certains et, pour d’autres, c’est un réel soulagement de ne plus aller à l’école. Nous jonglons, tant bien que mal, entre les différents niveaux de classes de jeunes, de tous les mails reçus, de tous les devoirs à envoyer.

Nous tentons de laisser place, autant que faire se peut, au plaisir et à la convivialité. Les plateaux télé y participent autant que les moments de lectures de BD tous ensemble (nous les harcelons pour qu’ils lisent des romans !).

La petite cour que nous avons la chance d’avoir nous soulage grandement. Il s’y joue dans l’après-midi des parties de ping-pong endiablée. Il s’y déroule des discussions alimentées par un soleil réconfortant. Il s’y étale du chocolat sur le visage quand le goûter est trop bon.

Puis, la peur encore qui revient. Surtout le soir, quand la nuit se prépare et que tout devient plus fragile. Il faudra rentrer et laisser les jeunes avec leurs peurs, avant de rejoindre les nôtres. Quelques derniers câlins pas vraiment réglementaires (le mètre barrière n’est pas respecté), mais indispensables.

Mes collègues viennent et rentrent, quoi qu’il en coûte. Des métros encore en circulation au vélo de ville un peu brinquebalant. De magnifiques vagabonds efficaces.

Retrouvez tous les jours les témoignages de travailleurs sociaux en pleine crise sanitaire sous la thématique "Terrain, journal de bord" de notre rubrique Actualité.

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