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• TERRAIN - Journal de bord - Malgré le confinement, Lien Social ne lâchera rien !

Par Jacques Trémintin, travailleur social et chef de rubrique à Lien Social

Comme beaucoup, il m’a fallu un certain temps pour assimiler ce qui était en train de nous arriver collectivement.
Lors de la réunion d’équipe de Lien Social par Skype, le lundi 16 mars, l’hypothèse a été évoquée de suspendre notre activité, imprimeur et routeur ayant laissé peser des doutes quant à la pérennité de leurs prestations. J’ai alors mesuré la gravité du moment. Les échanges nous ont heureusement permis de cheminer. Nous pouvions les uns et les autres continuer en télétravail.
Et ce n’était pas le moment de déserter !
A peine la rencontre terminée, je me suis rendu au supermarché du coin. Grosse affluence. Les rayons des pâtes, de lait longue conservation et de papier toilette étaient vides. Une dame s’est exclamée : « les gens sont vraiment idiots de céder à la panique. » Je n’étais pas loin alors d’avoir pensé comme elle. Sauf que son propre caddie était plein. Et que je me suis surpris à prendre deux boites de conserve du même produit, alors que d’habitude je n’en prends qu’une. J’ai regardé autour de moi, un peu honteux. L’inquiétude progressait.
Le mardi matin 17, visite au marché. Devant mon marchand de fromage habituel, il y a toujours une file d’attente de six ou sept clients. Une idée saugrenue m’est alors venue : et si j’imitais une grosse quinte de toux, tout le monde s’éparpillerait et je n’aurais pas à attendre. Je mesurais toutefois combien une telle idée, pour amusante qu’elle fut, pouvait s’avérer déplacée. Elle resta au stade du fantasme. La situation devenait sérieuse : le temps des canulars était passé. Il était onze-heure quand je rentrai à quelques encablures du délai de confinement.
Mon filleul de 24 ans passa à l’improviste pour savoir si je n’avais besoin de rien. Il refusa de me serrer la main et passa aussitôt à la cuisine se laver les siennes. Je le félicitais. Il me répondit : « comme tu es vieux, je ne veux pas te contaminer ». C’est vrai, je n’y avais pas pensé. Je faisais partie des plus vulnérables.
Le mercredi 18, une nouvelle réunion de Lien Social se tint par Skype. La décision fut prise d’ouvrir notre site aux témoignages des professionnels de terrain qui commençaient à morfler autant que les publics qu’ils accompagnaient. L’« appel à témoignages » fut lancé. Les contributions commencèrent à affluer. Celles que nous avons reçues sont intenses, émouvantes, dramatiques. Nous avons décidé de ne pas les publier en bloc, mais de les distiller jusqu’à la fin du week-end, afin qu’elles puissent être lues et perçues une par une. Les suivantes paraitront au fur et à mesure qu’elles nous parviendront. En leur donnant directement la parole, Lien Social se veut au plus proche de ses lecteurs qui, pour beaucoup, sont sur le terrain à faire face avec courage et ténacité à une situation inconnue jusque-là. Avec eux, nous proclamons très fort : «  on ne lâchera rien !  ».