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• TERRAIN - Journal de bord - Le poids des ruptures qu’implique le confinement n’est pas toujours bien appréhendé

Par C. C., assistante de service social hospitalier.
Reçu mardi 24 mars, 12h10.
Je travaille dans une clinique privée du Département de l’Oise. En tant qu’ancienne auxiliaire de vie, j’ai choisi ce poste, dans le but de pouvoir articuler la dimension du soin et celle du social. Jusqu’à présent, notre travail se voulait respectueux du bien-être de notre patientèle.
Ce que nous vivons depuis trois semaines est accablant. La situation s’est considérablement tendue. Non en raison directement de la pandémie (puisqu’à ce stade, aucun de nos patients n’est atteint du COVID- 19) mais à cause du confinement.
Nous sommes en lien direct avec l’un des premiers clusters de contamination.
Alors, depuis 3 semaines, aucune visite n’est autorisée à nos patients. Les contacts physiques avec leurs proches, leurs conjoints, leurs enfants leur sont désormais interdits.
Cette rupture des liens avec l’entourage provoque beaucoup d’angoisse de part et d’autre. Une grande part de mon travail consiste alors à des nouvelles rassurantes aux familles et aux personnes hospitalisées, à tenter de préserver leurs liens.
Cette situation soulève une question éthique évidente : celle de la violence que constitue cette rupture imposée des liens entre les personnes. De par ma fonction, c’est un des aspects qui m’apparaît le plus saisissant.
Au début, l’inquiétude a joué un rôle prépondérant dans la décision de tout centrer sur le sanitaire : il fallait protéger la santé de nos patients très fragiles. La place et le rôle de l’entourage affectif familial se situe alors dans une zone d’ombre, jugés probablement non essentiels compte tenu de la crise sanitaire à laquelle nous faisons déjà face. Les équipes soignantes commencent enfin les prendre en considération. Nous essayons donc de mettre en place des outils de compensation avec des communications téléphoniques ou des appels visio. Malheureusement, ils viennent se heurter aux handicaps de notre public (faible audition, aphasie…). Et puis, ils ne remplaceront jamais un contact physique.
En tant que travailleurs sociaux, nous sommes en première ligne pour recevoir la souffrance des patients isolés, de leurs proches et tenter de minimiser les effets de la barrière établie entre l’intérieur et l’extérieur.
Nous agissons du mieux que l’on peut et nous nous soutenons entre nous. Mais, dans la durée, la charge mentale commence à peser considérablement. Et, nous nous interrogeons pour savoir combien de temps nous allons réussir à tenir sur cette ligne. »

Retrouvez tous les jours les témoignages de travailleurs sociaux en pleine crise sanitaire sous la thématique "Terrain, journal de bord" de notre rubrique Actualité.

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