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• TERRAIN - Journal de bord - Écriture personnelle durant le confinement (1)

Par Cathy Pons, Responsable Pédagogique à l’ESEIS de Schiltigheim.

Le confinement… le 17 mars, une date qui restera dans les mémoires pour cause de Codiv19, une situation sanitaire inédite qui nous impose de « rester chez nous » jusqu’à nouvel ordre… A l’annonce du confinement par Mr Macron, et soutenus par notre direction après la fermeture de notre établissement, le suivi pédagogique des stagiaires dans notre Ecole Supérieure Européenne de l’Intervention Sociale s’organise rapidement « à distance ». Les Responsables pédagogiques de chaque filières (Assistant de Vie aux Familles, Moniteur Educateur, Technicien de l’Intervention Sociale et Familiale, Animateur BPJEPS, Conseiller en Economie Sociale Familiale, Educateur Spécialisé, Assistant de Service Social…) s’organisent avec leurs équipes de formateurs pour maintenir le suivi pédagogique de leurs différents stagiaires. Certains d’entre eux sont en situation d’emploi et d’autres en stage dans le secteur médico-social. De futurs travailleurs sociaux animés par le désir de l’accompagnement, du soutien, de la prise en charge des personnes dépendantes, fragilisées par leur situation personnelle, par diverses situations de handicaps ou encore par l’âge.

Responsable de formation depuis plusieurs années auprès de différents groupes tels que Surveillants de Nuit, Maitres de Maison, Assistants Maternels et Assistants de Vie aux Familles (ADVF) préparant un Titre Professionnel, dans cette situation inédite et guidée par mes propres valeurs, mes convictions, mes connaissances de ces secteurs d’activités, il m’est apparu important de maintenir le contact, le lien avec chacun d’entre eux au moyen de courriels réguliers et/ou appels téléphoniques durant ce temps de confinement.

Les lieux de soutien à la pratique professionnelle durant la formation étant momentanément suspendus et ces conditions qui demande à tous, professionnels, employeurs de s’adapter et de trouver une organisation tout en maintenant l’accompagnement des personnes plus vulnérables à domicile, je pressentais déjà le besoin d’échanges que ressentiraient ces professionnels intervenant seuls au domicile de particuliers.
Depuis ce début de pandémie, chaque soir à 20 heures, relayé par les médias, nous remercions tous les soignants qui font un travail extraordinaire, mais qu’en est-il des aides à domicile (226 000 professionnels dont 97% de femmes, chiffre indiqué dans les Dernières Nouvelles d’Alsace du 30 avril 2020) ? N’auraient-ils pas, eux aussi, droit à une reconnaissance publique alors qu’ils continuent à prendre soin de nos aînés et des personnes dépendantes dans leur domicile durant ce temps de confinement en bravant eux aussi les risques de contamination ?
Sont-ils les « oubliés » de ce confinement comme le titre cette semaine les Dernières Nouvelles d’Alsace ?
Mes échanges « à distance » avec mon groupe de stagiaires (toutes des femmes), aides à domicile en activités professionnelle, m’ont amené à encourager l’une ou l’autre à m’apporter un témoignage de leur « continuité de service » durant cette période si « étrange » que nous vivons. Car, qui mieux que celles qui sont sur le terrain, pour apporter un regard sur ce qu’elles vivent au quotidien dans l’accompagnement à domicile des personnes dépendantes ?
Au bout d’un mois de confinement, Martine (stagiaire ADVF), a accepté d’écrire et partager avec moi ce que qu’elle a appelé la « Parole d’une ADVF » : « Nous entamons la 4ème semaine de confinement et le message « Restez chez vous » continue à nous abreuver ! Mais que signifie au juste cette injonction gouvernementale ? Son sens me paraît pourtant clair ; il s’agit de rester chez nous pour freiner, voire enrayer la propagation de ce nouveau virus, le Coronavirus. Nous sommes amenés à fortement restreindre nos interactivités en restant chez nous car ce virus présente la particularité d’être hautement contagieux. Pourtant, l’agitation dans les hôpitaux est à son comble. Ces établissements publics ou privés accueillent, en ces jours d’extrême violence, tous ceux qui, malgré eux, ne restent pas chez eux. Il y a d’abord les malades atteints par le Covid 19 et ensuite, les soignants. Les uns, parce qu’ils ont besoin d’être soignés, les autres, parce qu’ils soignent. Ces derniers, au péril de leur vie, ne restent pas chez eux ! On dit qu’ils sont en première ligne ! Le pays est à l’arrêt… ou presque. En effet, il existe des secteurs d’activité qui continuent de fonctionner pour permettre à ceux qui restent chez eux de pouvoir bénéficier d’un semblant de vie normale. Et voilà que l’on parle des caissières, celles qui dans la vie ordinaire sont souvent invisibles au regard de nos vies trépidantes de clients ! Et voilà que l’on parle des éboueurs, ceux qui débarrassent nos rues de nos poubelles, juchés à l’arrière d’un camion puant !

Et voilà que l’on parle de ces métiers qui, du fait de la situation inédite que vit notre pays et plus largement la planète, sont devenus les métiers indispensables au bon fonctionnement de la nation (…) Nous entamons la 4ème semaine de confinement et depuis hier, j’entends pour la première fois parler d’un autre métier devenu presque…. Indispensable. Et voilà que l’on parle des aides à domicile, celles, car se sont pour la grande majorité des femmes de bonne volonté, qui continuent à visiter à domicile les plus fragiles, nos aînés…. Vos parents ou grands-parents ! Je suis l’une d’entre elles !  » Il aura fallu un mois avant de parler de ces femmes et de ces hommes, engagés dans l’accomplissement des gestes quotidien pour permettre le maintien de nos aînés, des personnes dépendantes par l’âge ou la maladie à leur domicile. Certains n’ayant pas de famille à proximité de leur lieu de vie, ou seuls par choix ou accident de la vie.

Et pourtant, toutes ces professionnelles aussi ont à affronter « l’ennemi invisible », sans être forcément protégées comme les consignes le préconisent. L’une d’elles, Myriam, dans nos échanges, me confiait dès le début du confinement « quand je rentre chez moi, après des journées intenses, je dois laver beaucoup de linge pour éviter l’infection, travailler à l’extérieur et ce dans des conditions plus difficiles et risquées que d’habitude (toujours pas de masques et gants suffisants) d’où système D et concentration maximum pour ne pas faire d’erreurs, stress pour se changer, mettre les masques quand on en a cousu. C’est dur de travailler dans la peur  ».
Ou encore Martine, qui poursuis : « Les premiers jours, j’avais la peur au ventre car l’ennemi est invisible. Il se cache, se camoufle, se planque et soudain, il peut se montrer, se déclarer, se pointer ».

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Retrouvez les témoignages de travailleurs sociaux en pleine crise sanitaire sous la thématique "Terrain, journal de bord" de notre rubrique Actualité.

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