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• TERRAIN - Journal de bord - Chronique d’un service petite enfance

Par C. G., coordinateur petite enfance pour une communauté de commune.
Reçu le jeudi 19 mars 10h34.

Je souhaite témoigner de la difficulté du secteur de la petite enfance de s’adapter à la communication institutionnelle de cette gestion de crise.

En effet, suite à l’annonce du président Macron le jeudi 12 mars, mes services et moi avons passé la journée du vendredi à organiser la fermeture des structures d’accueil du jeune enfant et à organiser le télétravail pour le relais assistants maternels tout en informant les professionnels de l’accueil individuel des premières informations. La Protection maternelle et infantile envoie un mail pour indiquer que face à l’afflux des demandes d’informations, elle n’a pas de consigne supplémentaire à diffuser suite à l’allocution du Président et renvoie vers l’Union Fédérative Nationale des Associations de Familles d’Accueil et Assistants Maternels et la Fédération des particuliers employeurs de France pour l’accueil individuel…

Samedi, 15H. Je découvre sur la boite mail d’un multi accueil que la PMI demande d’organiser un service minimum pour le personnel médical prioritaire. Echanges avec la directrice, information au Directeur général des services, et me voilà parti pour organiser la diffusion de l’information auprès des familles du territoire. Entre temps, la PMI me demande de diffuser l’information largement dans mon réseau, consciente qu’un mail le samedi à 13h dans les boites mail des crèches allait sûrement rester sans suite.

Une famille se manifeste. Puis une seconde mais qui cherche également un mode de garde pour son aîné scolarisé et qui ne sollicitera pas de place de crèche pour sa benjamine de 2 ans si elle ne trouve pas de solution. Le dimanche, une troisième famille, non prioritaire, se manifeste. Je suis à l’écoute de la situation, explique que cela n’est pas possible pour le moment, mais qu’elle n’hésite pas à revenir vers moi dans la semaine suivant l’avancée de la situation. Je rappelle le dimanche soir la seconde famille : elle n’a pas trouvé de moyen de garde pour le plus grand. Elle gardera donc aussi sa benjamine. La première famille gardera finalement son enfant. Le multi accueil n’ouvrira pas le lundi.

Lundi, le Relais assistants maternels croule sous les demandes d’informations. Rien n’est clair pour l’accueil individuel. Alors que les crèches de plus de dix places doivent fermer ou maintenir un accueil par unité de dix places pour les enfants des personnels prioritaires, les micro-crèches et les assistantes maternelles doivent maintenir leur accueil sans distinction des familles prioritaires ou non, des familles en chômage partiel, etc... Les Maisons d’accueil maternel sont aussi dans le flou : doivent-elles maintenir leur accueil ? le restreindre à dix places ? Les informations que l’on peut trouver se contredisent. Le réseau professionnel fonctionne. C’est le système D.

Mardi, fin de matinée. La Protection maternelle et infantile envoie enfin un mail pour donner des directives pour les modes d’accueil ! Suivi d’un erratum une heure plus (trop) tard : le premier mail a déjà été diffusé tellement l’attente a été grande chez les professionnels, les mairies du territoire… Il faut diffuser l’erratum… C’est-à-dire ajouter de la confusion aux doutes des professionnels. Les collègues du relais assistants maternels n’en peuvent plus !
Mme Christelle DUBOS, secrétaire d’Etat auprès du Ministre des Solidarités et de la Santé, prend la parole lors d’un point presse et, tandis que le secteur de la petite enfance, principalement les micro-crèches et les assistantes maternelles sont dans un flou total, ne comprenant pas le fait d’être à ce point en première ligne pour l’accueil des enfants alors que le confinement est demandé par le président Macron depuis la veille, la secrétaire d’Etat confirme les dispositions en cours.

Pendant ce temps-là, une maman éducatrice m’appelle. Elle a un enfant de 12 ans scolarisé en 6e SGEPA. Elle doit bosser auprès d’un public handicapé. Elle ne trouve pas d’accueil sur le territoire. Je ne sais pas quoi lui répondre puisque ma collectivité n’a pas la compétence pour cette tranche d’âge. J’entends son désarroi. Je la dirige vers la cellule de crise ouverte par la préfecture en charge des gardes d’enfants en ayant un gros doute qu’elle y trouve une solution.

Mercredi, le secteur de la petite enfance chauffe ! Les professionnels de l’accueil individuel et les micros-crèches ne comprennent pas qu’elles doivent rester ouvertes dans certains départements et pas dans d’autres. Le ministère reprend la main et recadre les PMI en envoyant une « Foire aux questions » rédigée par la Direction générale de la cohésion sociale pour rappeler la marche à suivre. De mon côté, je m’organise enfin pour télétravailler. Je lance des mails pour construire un cadre de travail avec différents services, suggère aux équipes de multi accueil de maintenir du lien avec les familles en utilisant l’application smartphone que nous avons. L’idée est de revenir au cœur du métier et de passer à autre chose que la gestion de crise. Le Relais assistants maternels est toujours autant désemparé par la situation. Les collègues sont dégoûtées par le travail qu’elles font et qui ne sert pas à grand-chose. Je leur suggère aussi de chercher à garder le lien avec les professionnelles et les familles. Il y a toujours l’idée d’être disponible pour les professionnels prioritaires. Puisqu’il n’y a pas de demande, nous allons réfléchir à apporter notre soutien aux crèches d’autres collectivités qui ont ouvert. Mais pas tout de suite, une stagiaire qui a quitté un multi accueil mercredi dernier a prévenu mardi qu’elle était fortement suspectée d’avoir le covid19 par les urgences. Donc, nous allons attendre deux semaines avant de proposer quoi que ce soit.

Retrouvez tous les jours les témoignages de travailleurs sociaux en pleine crise sanitaire sous la thématique "Terrain, journal de bord" de notre rubrique Actualité.

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