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• Portrait : À la rencontre d’anciens enfants placés - Romain

Lucile Barbery, ancienne éducatrice spécialisée de l’aide sociale à l’enfance devenue photographe, est allée à la rencontre des premiers concernés par la protection de l’enfance : les enfants placés devenus adultes.

« Ils ont des choses à nous dire : Qu’est-ce qui les a tenus ? A quoi se sont-ils accrochés ? Quels ont été les obstacles rencontrés ? La violence n’est jamais bien loin, du petit acte d’apparence anodine aux faits les plus intolérables. Ils se sont majoritairement tus. Aujourd’hui, Leurs voix s’élèvent, se rejoignent. Tout en nuances et finesse. Aujourd’hui ils nous font don de leur savoir, de leur expérience, d’une part de leur vie », explique-t-elle.

Elle a rencontré une vingtaine de personnes*, les a photographiées dans un lieu de leur choix, « un lieu signifiant pour elles ». Elle a écouté leur récit de l’adulte qu’elles étaient devenues, leur regard sur la protection de l’enfance, leur témoignage a été écrit avec les personnes et elles lui ont confié une photo d’elles prise durant le placement. En attendant de pouvoir organiser une exposition, Lucile Barbery nous a confié six portraits avec leurs témoignages, retrouvez celui de Gabrielle déjà en ligne, et découvrez celui de Romain

* Les prénoms ont été modifiés

ROMAIN

Romain, 28 ans, dans un parc de la banlieue grenobloise. (c) Lucile Barbery

" J’ai été placé vers mes 8 ans. Je me suis toujours senti soutenu. Mon assistante sociale nous a suivi du placement jusqu’à la fin de l’accompagnement jeune majeur. J’ai fait de belles rencontres, j’avais toujours quelqu’un sur qui compter, je me suis senti entouré. C’est peut-être pour ça que j’ai bien vécu le foyer. Je suis toujours en lien avec des anciens éducateurs. L’une d’elles est devenue ma marraine, le fil conducteur c’est elle, elle était stagiaire dans mon premier foyer, elle est devenue éduc dans mon second foyer. Maintenant, elle nous a demandé à mon frère et à moi d’être les tuteurs de sa fille s’il lui arrivait quelque chose. Le plaisir c’est aussi d’avoir pu faire des activités qu’en famille j’aurai jamais pu faire.

Mais, quand je suis arrivé au second foyer, le juge a décidé qu’on ne pouvait plus voir notre mère. On se faisait punir, on ne savait pas pourquoi. C’est certainement ce qui a causé le décès de ma mère. Je venais d’acheter un souvenir en colonie pour elle, lorsque j’ai appris qu’elle était décédée.
Avec tout ce qui m’est arrivé, j’aurai pu mal tourner. Mais c’est une question de volonté, c’est une sorte de reconnaissance pour mes parents qui sont plus de ce monde.

A 21 ans je n’avais plus de suivi par le foyer. Le passage des 21 ans j’avais pas envie. T’entres dans le grand bain. Là t’as intérêt à être débrouillard. Maintenant, j’ai un BTS bâtiment, je suis commercial, j’ai mon appartement, je suis en couple. J’aimerais bien reprendre des études. J’en suis là aujourd’hui, je suis quelqu’un d’épanoui. J’aime bien faire le con, quand on parle de sujets difficiles, j’esquive par l’humour. je lâche pas prise. J’ai un credo : Y’a toujours pire, c’est pas parce qu’il t’arrive une tuile qu’il faut pas continuer à avancer. Tant que t’es pas mort, t’avances ".

Romain, 12 ans en colonie moto (c) DR