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🖋 Autoportrait de travailleur social ‱ Murielle A., Ă©ducatrice spĂ©cialisĂ©e en centre d’hĂ©bergement et de rĂ©insertion sociale (CHRS)

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«  Je ressentais le besoin de me tourner vers une voie professionnelle qui avait du sens  »

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Quel mot, adjectif, associez-vous spontanĂ©ment au travail social ?
C’est un mĂ©tier.


Pour quelles raisons l’avez-vous choisi ?

À l’origine : la sensibilitĂ© que j’ai Ă©prouvĂ©e pour la situation des jeunes placĂ©s par l’aide sociale Ă  l’enfance (Ase). À l’époque jeune Ă©tudiante en langues, engagĂ©e dans des causes diverses, je ressentais le besoin de me tourner vers une voie professionnelle qui avait du sens : apporter de l’aide aux plus nĂ©cessiteux, favoriser leur mieux ĂȘtre. C’est donc dans cet Ă©tat d’esprit que j’ai fait le choix de quitter les bancs de la fac pour m’orienter vers une formation dans le secteur social.

Quelle formation avez-vous suivie ?

J’ai pris mon temps. J’ai commencĂ© par la formation de moniteur-Ă©ducateur puis j’ai suivi celle d’éducateur spĂ©cialisĂ©. J’ai travaillĂ© et acquis mon expĂ©rience dans diffĂ©rentes institutions, auprĂšs de diffĂ©rents publics, puis j’ai poursuivi ce parcours d’enseignement et dĂ©crochĂ© le DiplĂŽme d’État en IngĂ©nierie Sociale (DEIS).

Quel est votre meilleur souvenir professionnel ?

Cela fait quelques annĂ©es maintenant que je travaille dans le domaine de l’insertion, plus prĂ©cisĂ©ment dans le cadre d’un centre d’hĂ©bergement et de rĂ©insertion sociale (CHRS). J’ai beaucoup appris de l’accompagnement qui pouvait ĂȘtre proposĂ© Ă  des personnes fragilisĂ©es par des parcours de vie extrĂȘmement chaotiques. Je garde un trĂšs fort ressenti par rapport Ă  ce qu’un regard posĂ© sur l’autre peut suggĂ©rer comme changement, lorsque le professionnel laisse une place de sujet Ă  part entiĂšre Ă  la personne accompagnĂ©e. Je me souviens de cette jeune femme qui arrive pour son premier rendez-vous d’admission. Elle semble totalement dĂ©sorientĂ©e et anesthĂ©siĂ©e par des mĂ©dicaments. Elle dit qu’elle a une maladie attrapĂ©e dans son pays, qui l’amĂšne Ă  « voir et entendre des choses  ». Je me souviens alors de ma propre sidĂ©ration Ă  l’entendre, de mes doutes quant Ă  la capacitĂ© que nous avions Ă  pouvoir l’aider dans cet Ă©tat. Cette jeune femme a tout de mĂȘme intĂ©grĂ© notre structure. Elle y est restĂ©e dix-huit mois, y a construit une famille (naissance d’une petite fille) et nous a quittĂ©s pour aller vivre enfin dans son propre logement. Aujourd’hui, je pense rĂ©ellement que le temps passĂ© dans la structure lui a permis de se poser, d’ĂȘtre Ă©coutĂ©e et regardĂ©e autrement qu’à travers sa « maladie », comme elle le disait. Pour moi c’est incontestable, la mobilisation de l’équipe et son dĂ©sir pour elle, ont contribuĂ© Ă  lui redonner de l’assurance et Ă  gagner en autonomie. Ce fut pour moi une belle expĂ©rience humaine et professionnelle.

Le pire ?

Peut-ĂȘtre est-ce celui de me sentir professionnellement malmenĂ©e par un fonctionnement institutionnel jusqu’au point de douter de ma propre pratique ! J’ai vĂ©cu cette situation et l’épuisement ressenti Ă  ce moment assez difficile, a pu m’amener Ă  remettre en cause un choix professionnel qui pourtant, me semblait une Ă©vidence !
Je parle de ce moment oĂč j’exerçais dans un foyer d’urgence pour des jeunes mineures placĂ©es par l’ASE, pour une durĂ©e de six mois maximum, suivis d’une rĂ©orientation
 Jeune diplĂŽmĂ©e Ă  l’époque, je me rappelle l’état d’urgence dans lequel l’équipe travaillait, la difficultĂ© que nous avions Ă  contenir les situations de violence et Ă  gĂ©rer les passages Ă  l’acte des jeunes (violences verbales, physiques, fugues incessantes). J’avais le sentiment d’une confusion permanente entre le fonctionnement institutionnel et celui des personnes accompagnĂ©es. Le turn-over important des salariĂ©s aussi pouvait me dĂ©stabiliser.
J’ai fini par quitter cette structure dans laquelle je ne trouvais plus ma place. Je me suis tournĂ©e vers un Ă©tablissement qui rĂ©pondait davantage Ă  mes attentes professionnelles. J’ai pris une bonne dĂ©cision car aujourd’hui je suis toujours dans ce mĂȘme secteur d’activitĂ© qui est en pleine Ă©volution !


Quel est votre livre de chevet ?

C’est pour ton bien. Racines de la violence dans l’éducation de l’enfant, d’Alice Miller (Éd. Aubier, 1998). Cette excellente auteure aborde de façon pertinente la question de l’origine de la violence.

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Vous ĂȘtes tentĂ©s par l’exercice de l’autoportrait de travailleur social ? Vous souhaitez partager votre expĂ©rience ? N’hĂ©sitez Ă  nous contacter Ă  l’adresse suivante : katia.rouff@lien-social.com