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📝 Tribulations d’une assistante sociale de rue ‱ La FĂ©e CabossĂ©e

Si l’univers du travail social s’envisageait sous le prisme des contes qui bercent l’enfance, il ne deviendrait pas plus rose que le mois d’octobre, mais pourrait commencer par Il Ă©tait une fois.
Ainsi, nous pourrions ĂȘtre Blanche-neige, entourĂ©e des sept nains – collĂšgues – attendant son prince charmant comme l’éthique et le positionnement se font attendre chez nos employeurs. ApparentĂ©s Ă  la Belle au bois dormant, nous pourrions nous rĂ©veiller dĂ©sillusionnĂ©s, aprĂšs quelques annĂ©es d’expĂ©riences professionnelles, pour accepter d’entrevoir que la structure du social est loin d’ĂȘtre parfaite, voire nĂ©gligĂ©e, et que notre volontĂ© de faire le « bien » s’étiole. Puis, l’obligation de fricoter avec les forces obscures de notre systĂšme s’imagerait par la BĂȘte de la Belle. Nous pourrions aussi ĂȘtre Cendrillon, qui ne trouve pas chaussure Ă  son pied dans ces dispositifs qui enferment et perdent du sens.
Ici, nous ne serions pas les seuls Ă  affronter les Reines et les SorciĂšres qui insufflent une terreur pour mieux rĂ©gner. Il y aurait Ă©galement tous ceux pour qui nous nous levons le matin : les villageois qui ont mordu dans la pomme empoisonnĂ©e, ceux en douleur, en souffrance, perdus, dĂ©sorientĂ©s et souvent qualifiĂ©s, dans notre monarchie contemporaine, de « sans » – abri, papier, emploi, famille, argent, etc. –.
Alors, nous rencontrerions le Roi Lion dans ces enfants qui affrontent de multiples ruptures et perdent des parents ou des racines dans leurs placements, dĂ©placements et replacements. En grandissant, ils pourraient agrandir la famille d’Aladin et ses quarante voleurs par leurs actes de dĂ©linquance, pour devenir Raiponce, prisonniers de leur nĂ©cessitĂ© de survie. Ensuite, nous croiserions Peter Pan chez tous ces adultes refusant ou fuyant les responsabilitĂ©s qui leur incombent et prĂ©fĂ©rant s’installer dans le dĂ©ni d’un monde qui avancerait sans eux. Puis, Pocahontas apparaĂźtrait pour obtenir une vie meilleure, en s’exilant sur la terre natale des colons qui l’ont, autrefois, tant persĂ©cutĂ©e pour qu’elle accepte leurs cultures et leurs idĂ©aux. Enfin, la Petite SirĂšne s’incarnerait chez tous ceux qui se sentent oppressĂ©s par le carcan de la sociĂ©tĂ© et qui rĂȘvent de rejoindre la terre ferme.
Alors quotidiennement, comme des marraines bonnes fĂ©es et grĂące Ă  notre baguette magique, nous tentons d’exaucer les dĂ©sirs d’une population pour lui permettre d’accĂ©der Ă  un mieux-ĂȘtre, un mieux-vivre. NĂ©cessairement, nous combattons, au jour le jour, cette noirceur qui semble se dĂ©velopper et recouvrir le Royaume de givre, quand les fĂȘtes au Palais paraissent s’éloigner et n’ĂȘtre accessibles qu’aux mĂ©chants de ces contes.
En cette Ă©poque moderne, telle une FĂ©e CabossĂ©e – par les milliers d’histoires qui se dĂ©voilent au creux de son carrosse de citrouille –, nous poursuivons, coĂ»te que coĂ»te et vaille que vaille, notre volontĂ© d’un monde meilleur pour que, finalement, ils vĂ©curent heureux.



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