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Récemment, j’ai fait le bilan – calmement (x = Référence à la chanson Le Bilan de Nèg Marrons, que nous connaissons tous !) – d’une journée de travail, dans le métro qui me ramène à mon domicile. Il est apparu, de manière totalement providentielle, que je m’identifiais à une gymnaste, tant j’avais enchaîné de grands écarts intellectuels.
Oui, le matin, je recevais en entretien interdisciplinaire, un homme d’environ 35 ans, en semi-liberté après cinq années de détention complète, qui demande du soutien quant à sa recherche de logement pour la fin de sa peine judiciaire. Ensuite, mon bureau accueillait une jeune mineure de 17 ans en fugue d’un système familial destructeur et de foyers démoralisants afin de réfléchir, avec elle, à ce qui peut lui être le plus adapté. Plus tard, je tentais de contenir les angoisses d’une jeune femme de 20 ans qui me présentait ses avant bras mutilés, par ses soins, avec un tesson de verre trouvé au sol. Après ma pause repas, j’ai travaillé la question budgétaire avec un homme d’une petite quarantaine, traînant un parcours de rue long comme le bras, qui venait tout juste d’être relogé directement sur le parc social.
Il s’agit ici de quatre situations totalement éloignées, qui demandent de mettre en exergue une pluralité de qualités relationnelles favorisant la création, l’approfondissement, la poursuite du lien social, que je suis censée représenter. Puis, en vérité, une forme de fatigue psychique apparaît, car notre boulot n’est pas d’empiler des cagettes sans réfléchir.
Intervenir auprès d’« individus » (x = Terme plutôt policier : « un individu a été interpellé… ») sous main de justice, requière de connaître un tant soit peu le système judiciaire, les différentes formes de peines et leurs législations pour, ne serait-ce, que comprendre où se situe l’homme en face de nous.
Accompagner une mineure nécessite une bonne connaissance des politiques de protection de l’enfance et de l’articulation des différents dispositifs qui les composent.
Contenir des angoisses et/ou des automutilations demande, parfois, une réactivité pour interpeller les urgences ou, à contrario, une abstention pour tenter d’orienter vers le service de psychiatrie spécialisé, le tout en maintenant un climat rassurant.
Enfin, dîtes-vous qu’entre ou au milieu de ces entretiens, je reçois et réponds à de nombreux mails et appels, j’échange avec les membres de l’équipe, afin d’apporter une évaluation transdisciplinaire des situations, mais aussi avec des partenaires qui peuvent être d’un secours considérable ou d’une désobligeance exécrable.
L’attention psychique, mobilisée ici, demande alors différents efforts conceptuels qui s’apparenteraient à une plasticité intellectuelle et émotionnelle. Cela donne parfois le sentiment de revenir à nos cours de gymnastique du collège.