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Vous connaissez tous le concept du complexe d’œdipe (1) ou le phénomène de la reproduction sociale (2) puisque notre position de travailleur social nous en rend fréquemment témoins. Toutefois, avez-vous déjà retourné cette analyse sur vous-même ?
Pour ma part, cette question me (pour)suit depuis de nombreuses années. Comme les chiens ne font pas des chats, vous ne serez pas surpris d’apprendre que mon père exerce aussi dans le domaine du social. Il a été assistant de service social puis, après plusieurs années, il a évolué en tant que coordinateur/chargé de mission pour la création d’un SIAO unique départemental, avant de devenir Directeur des solidarités dans un CCAS. Je baigne donc, depuis toute petite, dans une piscine d’histoires de parcours de vie et d’anecdotes venues tout droit de son travail. Mon père est également peintre/sculpteur à ses heures perdues. Il rapporte fréquemment que cette activité artistique le ressource, car il s’évade de son quotidien professionnel.
Vous vous dîtes peut-être que mon avenir était sans doute déjà tout tracé, alors qu’en bonne adolescente que j’étais, j’ai toujours crié que je ne ferai jamais le métier de mon paternel. Cette conviction a tenu jusqu’à mes 20 ans, période où je foirais mes études en psychologie, car je n’avais pas de réel objectif et où j’ai dû travailler en intérim. Autant vous dire que les métiers d’ouvriers que j’ai découverts ne m’ont pas convenu car, en bonne gauchère que je suis, je réfléchissais beaucoup trop à des gestes qui devaient être automatiques et n’étais, de fait, pas productive pour un sou. Ensuite en travaillant à la commission de surendettement de la Banque de France de 2008 à 2010 (3), je me suis aperçue que je ne pouvais pas me contenter de traiter des dossiers, que j’avais envie et besoin d’accompagner les personnes à les remplir. Il m’a donc fallu accepter que je dessinasse un chemin professionnel similaire à celui de mon père en devenant assistante sociale. Apercevez-vous ce fameux complexe d’œdipe ou cette reproduction sociale ?
Dernièrement, lors d’une pause entre deux postes, j’ai retrouvé un vieux miroir dans ma chambre d’adolescente, convaincue qu’il avait appartenu à ma grand-mère paternelle quand, finalement, il avait été acquis dans une brocante. Ce miroir porte sur lui son vécu : la couche d’aluminium ou d’argent est marquée d’usures et s’efface par endroit quand le cadre est recouvert d’une peinture écaillée dont nous ne saurions indiquer la réelle couleur. L’envie subite et pressante de lui donner une seconde jeunesse me saisit et, quelques heures plus tard, je me tiens dans l’atelier de sculpture de mon père à poncer et vernir ce bois pour lui insuffler une nouvelle vie. Lors de cet acte, je comprends finalement ce que me répète sans cesse mon père depuis des années : une activité artistique ou manuelle libère l’esprit pour le rendre plus léger.

Alors, ne m’élèverais-je donc pas grâce aux empreintes de mon ascendance ? Qu’en est-il pour vous ?

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(1) Théorisé par notre cher Sigmund Freud sur le champ de la psychanalyse (2) Etudié et décrit par ce non moins reconnu Pierre Bourdieu dans le domaine de la sociologie (3) 2007-2008 : période de crise financière mondiale

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